Park Chan-Wook débarque aux USA avec un drame familial aussi déroutant qu’intriguant intitulé Stoker. Une arrivée réussie chez l’Oncle Sam.
Après Kim Jee-Woon et son Dernier Rempart, Park Chan-Wook est le second réalisateur coréen à tenter sa chance aux États-Unis. Mais loin de prendre un blockbuster calibré pour une star sur le retour, le réalisateur de Old Boy s’embarque dans le drame psychologique et horrifique avec un scénario sur lequel a travaillé entre autre Wentworth Miller. Une rencontre inattendue et qui, à la surprise générale s’avère fructueuse. Car échappé de Prison Break, l’acteur montre qu’il peut écrire de quelque chose d’intéressant, à la psychologie poussée et qui, mis entre les bonnes mains du coréen, va devenir un objet assez inclassable mais particulièrement intense et envoutant.
En effet, le réalisateur nous embarque d’emblée dans une atmosphère étrange, à la limite entre le conte de fée et le film d’horreur (en soi, c’est plutôt bien vu et naturel étant donné le degré d’horreur qui a toujours été présent dans les contes). Nous faisons donc la connaissance d’une jeune fille qui vient de perdre son père et obligée de rester avec sa mère qui tombe alors sous le charme d’un oncle qui revient d’un long voyage pour l’occasion. Mais l’oncle séducteur a un autre désir plus secret, plus noir que nous allons découvrir petit à petit.
Devant le sujet du film et sa manière de le mettre en scène, le passage du Pacifique n’a pas amoindri le talent de Park Chan-Wook. Avec Stoker le réalisateur trouve une manière d’aborder des thèmes qui lui sont déjà familiers et avec un ton qui lui est bien propre. Que ce soit du côté de sa réalisation parfois éthérée de manière malsaine et toujours d’une grande précision ou bien dans son rapport à l’inceste ou à la violence, il se dégage du film une atmosphère aussi repoussante qu’enivrante qui fait que l’on ne décroche pas un instant comme hypnotisé par le film et ce, même avec un grand creux dans la première partie du récit qui prend (trop) le temps de se mettre en place. Le réalisateur parvient donc même à compenser la faiblesse du récit par sa patte fascinante.
D’un autre côté, le réalisateur s’est vu offrir un casting étonnant, aussi intéressant que bancal sur le papier. Le choix le plus étrange est celui de Mia Wasikowska. L’Alice de Tim Burton, actrice fade au possible révèle enfin un semblant de personnalité dans le rôle de cette ado séduite et en même temps dégoutée par son oncle. Face à elle, Nicole Kidman retrouve à nouveau un rôle de mère prête à tout, limite nymphomane dont les excès de chirurgie maintenant flagrants (plus rien ne bouge sur son visage de porcelaine). Mais celui qui va surprendre, c’est certainement Matthew Goode. Celui qui se révélait un Watchmen de pacotille joue ici de son physique séducteur pour camper un personnage étrange, torturé et sur de lui. Il se noue entre ces trois personnages à la fois une dynamique familial étrange et obsédante et un triangle amoureux machiavélique où chacun cherche à attirer l’attention et cache un secret.
Pur produit de mise en scène pour révéler tout l’aspect malsain d’une famille dysfonctionnelle, Park Chan-Wook convoque les influences des grands maitres du thriller et du drame psychologique (qui a dit Hitchcock ? ) et pour faire son effet pour déranger le spectateur tout en le gardant prisonnier et attentif dans la toile qu’il a méticuleusement tissé. Hypnotisant.