Réalisateur éclectique autant qu’électrique, Danny Boyle revient avec Trance. Entre le thriller parano et le film de braquage audacieux, c’est un véritable retournement de cerveau qu’il propose ici, pour le meilleur et pour le pire.
Enfin échappé de ses obligations de la monumentale cérémonie d’ouverture des JO de Londres, Danny Boyle a repris sa caméra en main pour mettre en image un scénario très spécial aussi noir, violent et audacieux dans sa construction que sa mise en scène est clipesque et jusqu’au boutiste. Trance commence comme un film de braquage et de trafic de tableaux de maîtres. Pourtant, ce point de départ change complètement lorsque l’on s’intéresse au gardien qui va faire appel à l’hypnose pour se rappeler de ce qu’il s’est passé.
Avec un film parlant d’hypnose, tout de suite le cerveau se met en marche et il est inévitable que les twists vont s’enchaîner. Alors accrochez-vous à votre fauteuil car les retournements de situation mettant en avant chacun des 3 protagonistes à divers moments vont aller bon train. Pour suivre, il faudra alors se prendre au rythme et justement se laisser hypnotiser sous peine de rejeter le film d’emblée.
Pour les chanceux qui se laisseront embarquer, on peut alors y voir un retour de Boyle à l’esprit qui animait Trainspotting et Petits Meurtres entre Amis (pas étonnant que le scénariste de ces derniers soit d’ailleurs de la partie) avec des personnages plus torturés qu’il n’y parait, dont les émotions vont être plus en plus exacerbées à mesure que nous apprendront les vérités révélées par l’hypnose. Car sans arrêt notre perception des personnages va être chamboulée, la victime pouvant très bien devenir en un claquement de doigts le tortionnaire duquel il faudra se venger. A ce petit jeu là, on ne se reposera pas sur nos lauriers et notre cerveau en ébullition risque fortement de finir en vrac.
D’autant plus qu’en plus des twists fracassants, Boyle pousse son style clipesque à son paroxysme. Couleurs saturées, effets trashs, cadres penchés, flous et effets miroir, montage hyper dynamique et un travail sur le son toujours aussi percutant sont au programme et le réalisateur pousse ces curseurs à fond. Qu’on se le dise, ceux qui n’aimaient déjà pas ce style sur Slumdog Millionaire ou 127 Heures vont souffrir alors que les plus barges vont prendre leur pied sans avoir besoin de substances illicites.
D’un autre côté, Trance s’inscrit parfaitement dans la démarche de Danny Boyle qui modernise (et même dynamite ici carrément) les codes du cinéma britannique et il est passionnant de voir à quels genres il s’attaque de cette manière. Ici, le thriller manipulateur est une occasion en or pour expérimenter une multitude de techniques narratives ou rythmiques d’une histoire abracadabrante et souvent complètement gratuit.
Mais si on se laisse aussi prendre au jeu, c’est parce que le trio d’acteurs se donne ici complètement, en particulier Rosario Dawson et James McAvoy qui révèlent de nombreuses facettes de leur talent. Parfois poussés dans leurs retranchements, ils arrivent à nous faire aimer des personnages noirs et désespérés qui cèdent tellement facilement à la violence.
Exercice de style extrême, l’euphorie limite épileptique de Trance ne laissera personne indifférent mais au final, pousser les curseurs des effets et des émotions à fond est un moyen comme un autre de provoquer quelque chose chez le spectateur. Alors quand Danny Boyle se révèle manipulateur comme ça, on s’accroche et on fonce.