L’écume des jours
Réalisé par Michel Gondry
Avec Audrey Tautou, Omar Sy, Romain Duris, Gad Elmaleh,
Alain Chabat, Charlotte Le Bon, Aïssa Maïga
France, 2013, 2h05
Consulter les horaires du film dans les salles de Lyon et de sa région : ici
Synopsis : L’histoire surréelle et poétique d’un jeune homme idéaliste et inventif, Colin, qui rencontre Chloé, une jeune femme semblant être l’incarnation d’un blues de Duke Ellington. Leur mariage idyllique tourne à l’amertume quand Chloé tombe malade d’un nénuphar qui grandit dans son poumon. Pour payer ses soins, dans un Paris fantasmatique, Colin doit travailler dans des conditions de plus en plus absurdes, pendant qu’autour d’eux leur appartement se dégrade et que leur groupe d’amis, dont le talentueux Nicolas, et Chick, fanatique du philosophe Jean-Sol Partre, se délite.
Adaptation du roman de Boris Vian
C’est le producteur du film, Luc Bossi, qui a émis l’idée d’une adaptation du roman de Boris Vian et proposé à Michel Gondry un premier scénario.
« On a retravaillé ensemble, mais on a gardé cette idée qu’il avait lui : ce grand atelier où le livre est fabriqué, au début de l’histoire. Cela montre pour moi que le livre est incontournable. Il est en acier, il est indestructible. Et cet endroit dit aussi que tout est écrit d’avance. Parce que, quand on lit « L’Écume des jours », on sent que l’histoire est sur des rails, il y a un fort sentiment d’inéluctable » Michel Gondry.
»Beaucoup de gens pensaient le livre inadaptable, il y a un jeu de mots à chaque phrase ! Mais de nombreux chapitres du roman étaient aussi naturellement cinématographiques, parce que Boris Vian était imprégné de « pop culture », marqué par le cinéma, la science-fiction, le jazz. » Luc Bossi.
Dans le roman, l’univers décrit est très riche et très original. Pour lui coller, le réalisateur a choisi de rester au plus près des images qui se sont manifestées à lui lors de la première lecture du roman. Michel Gondry est connu pour être un ultra-créatif et a mis à profit ses talents d’inventeur tout au long du tournage.
La maladie de Chloé n’est jamais nommée par Boris Vian dans le roman, ni dans le film : « Je ne sais pas exactement ce que Boris Vian avait en tête, mais cela évoque fortement un cancer. Chloé a un nénuphar dans le poumon droit qui grossit et qui atteint son poumon gauche. Pour moi, c’est très proche d’une tumeur qui prolifère« , commente Romain Duris.
L’influence des années 1970
Bien que l’action du film ne soit pas temporellement déterminée, les références aux années 1970 sont nombreuses : en effet, Michel Gondry, comme le chef décorateur Stéphane Rozenbaum, ont grandi dans cette très cinématographique décennie : « J’essaie d’éviter la nostalgie, mais c’est une époque où je peux encore comprendre ce qui se passe d’un point de vue technologique… L’atelier où le livre s’écrit – de façon assez ridicule, d’ailleurs, puisque chacun des ouvriers est assigné à une seule et même phrase -, je ne voulais pas le montrer de façon trop négative. Quand Colin en est viré, ses collègues le soutiennent. Dans les années 70, mon père fabriquait des haut-parleurs dans un atelier (…) et j’en garde un souvenir plutôt coloré et joyeux« , commente le cinéaste.
Le film est aussi une réflexion sur le monde du travail
L’Écume des jours n’est pas seulement un film sur l’amour, la mort et la maladie : « Le film a un vrai recul sur la société et comporte beaucoup d’images et de paraboles sur le monde du travail (…) il propose une réflexion sur ce qu’on doit faire pour gagner sa vie », explique Gad Elmaleh, qui joue Chick, l’ami de Colin qui souffre d’une addiction au philosophe Jean-Sol Partre (transfert de Jean-Paul Sartre pour la fiction).
Michel Gondry donne une place particulièrement importante aux objets.
« L’idée que les choses sont presque plus vivantes que les gens correspond bien à ma personnalité. J’ai eu souvent tendance, quand j’étais enfant, à prendre les objets pour des personnes, voire à croire qu’ils sont montés contre moi ! », déclare Michel Gondry, insistant ainsi sur son rapport particulier aux objets, le plaisir qu’il éprouve à les détourner. Cette approche a été déterminante pour l’élaboration des décors de L’Écume des jours.
L’appartement : le décor principal du film
L’appartement de Colin est un lieu clé du film : « C’est un lieu atemporel qui n’appartient ni totalement aux années 1950-60, ni à l’époque actuelle. Ce que j’ai beaucoup aimé, c’est que l’appartement est rempli d’inventions de toutes sortes, à l’image du périscope relié à un Minitel, sorte de Google Maps de l’époque ! », commente Romain Duris.
La cuisine dans laquelle travaille Nicolas, le personnage que joue Omar Sy, est un lieu particulièrement loufoque : « C’est une pièce délirante ! D’abord, elle est équipée d’une multitude d’écrans de télévision sur lesquels Nicolas reçoit des instructions de son maître, qu’il considère comme son modèle« , explique-t-il.
Des effets spéciaux mécaniques
L’équipe technique du film s’est davantage tournée vers des effets spéciaux mécaniques plutôt que numériques, ce qui, d’après Michel Gondry, est bien plus compliqué que quand on tourne sur fond vert. Par exemple, pour la séquence de la balade en nuage, Audrey Tautou raconte : « On était dans une petite structure suspendue à une grue par un câble, les pieds dans le vide, et on est montés dans le ciel de Paris ! »
La présence de l’animation
Dans son film, Michel Gondry a fait appel à l’animation, comme effet esthétique (par exemple pour la représentation des plats créés par le personnage de Nicolas, interprété par Omar Sy) mais aussi comme source d’inspiration (pour reconstituer le biglemoi, la fameuse danse jazzy inventée par Boris Vian dans son livre) : « On a opté pour quelque chose où les jambes échappent à la volonté du danseur. Cela me fait penser aux courts métrages d’animation musicaux que produisait Disney dans les années 30, souvent sur des musiques de big band : les animateurs utilisaient des boucles qui répétaient les mouvements à l’infini, donnant une impression de cauchemar« , commente le réalisateur.
Première fiction française de Michel Gondry
L’Ecume des jours est la première fiction 100% française réalisée par Michel Gondry. Le réalisateur de The Green Hornet a dirigé Alain Chabat et Charlotte Gainsbourg à Paris dans La Science des rêves, mais le film a été tourné en partie en anglais. L’autre long métrage français de Gondry est L’Epine dans le coeur, un documentaire consacré à une de ses tantes.
Consultez l’article de Journal Cinéphile Lyonnais consacré à Michel Gondry : ici