Aux États-Unis, ça bouge dans les séries avec House of Cards, série politique bavarde mais de grande classe !
En produisant sa propre série et en la mettant d’un seul coup en intégralité disponible sur son réseau, Netflix a jeté un pavé dans la marre de la télévision américaine. Le site qui était au départ un service de location de films affiche maintenant clairement son ambition de devenir un acteur majeur du contenu video sur Internet. Pour cela, il parie sur un positionnement proche de HBO en lancant une série de grande qualité sur un sujet loin des séries policières qui pullulent et en s’associant à de grands noms du cinéma. Car House of Cards est produite par David Fincher (qui s’occupe également du cahier des charges de la série en réalisant le premier épisode) et met sur le devant de la scène politique un Kevin Spacey particulièrement en forme.
Lorsque l’on parle de série politique, le premier nom venant en général tout de suite à l’esprit est celui de l’illustre A la Maison Blanche d’Aaron Sorkin (à qui on devait d’ailleurs le scénario de Social Network de Fincher) mais dès son prologue, House of Cards s’en démarque clairement en nous présentant le membre du congrès, proche nouveau président élu, Frank Underwood sous un angle cynique et noir, n’hésitant pas à achever un chien écrasé. Le décor est planté, nous allons suivre un personnage qui ne reculera devant rien, osant se salir les mains, pour avoir ce qu’il veut. Et ce qu’il veut, c’est le pouvoir, le poste de secrétaire d’État qui vient de lui être refusé. Alors il va comploter avec sa femme pour obtenir ce bureau prestigieux, quitte à écraser a réputation de ses collègues ou de certains journalistes.
Car autour de Frank Underwood gravite une galerie de personnages tous aussi manipulateurs les uns que les autres, de sa femme Claire, responsable d’une association environnementale qui compte sur le poste de son mari pour élargir son champ d’action à Zoe Barnes, jeune journaliste aux dents longues qui ne cherche qu’à décrocher le scoop du siècle. Ces deux femmes fortes sont des piliers centraux de l’histoire, chacune avec un rôle bien précis. Si Claire, royalement interprétée par une Robin Wright dont la froideur ne fait que cacher les sentiments et doutes plus enfouis, montre une raison de se battre pour Frank, elle commence à comprendre tous les sacrifices que cela implique. Quand à Zoe, Kate Mara joue habilement de ses charmes pour que l’on ne sache pas si elle est la manipulatrice ou la manipulée, profitant de Frank autant qu’il profite d’elle pour avoir des informations.
Au milieu de ces personnages seul Peter Russo semble être honnête. Trop honnête pour ce milieu politique qui va le dévorer et révéler ses failles au grand jour. Pion de Frank Underwood, bouc émissaire ou dommage collatéral, celui qui a la vie la plus rangée et qui n’aspire qu’au meilleur pour tous ne sortira pas indemne des manigances de son patron. Car Underwood cache toujours son jeu et ne se révèle pleinement que face à sa femme et au spectateur à qui il s’adresse directement pour que nous comprenions mieux les estocades qu’il va porter à ses adversaires. A cette écriture audacieuse du personnage s’ajoute évidemment le charisme impérial d’un Kevin Spacey inspiré, véritable monstre manipulateur nourri par ses failles et ses racines.
Évidemment, comme toute série politique, House of Cards se révèle particulièrement bavard et prend son temps pour poser son intrigue et ses personnages. On peut alors rapidement se décourager avant que tout cela ne porte ses fruits dans une dernière poignée d’épisodes pourtant riches en événements particulièrement noirs mais l’ambiance intimiste nous permet de nous rapprocher des personnages complexes, formidablement interprétés, auxquels on s’attache pour leur failles alors qu’ils se révèlent être de vrais requins. Et en même temps, House of Cards nous révèle certains coulisses de la vie politique reflet de l’actualité (ici, tout tourne autour d’une loi sur l’éducation et sur la fermeture d’une industrie dont ils vont profiter pour gravir les échelons du pouvoir) et ses ramifications (notamment journalistiques) faite d’égos à contenter tout prix, dépassant leurs bonnes intentions sur le papier.
Série complète sur le sujet et complexe, House of Cards est donc l’une des très belles surprises de la saison à savourer d’une traite grâce au dispositif de Netflix. On espère alors retrouver rapidement la seconde saison pour plonger encore plus dans la noirceur politique après ces 13 premiers épisodes de grande qualité.