A l’occasion de la sortie de Gatsby en ouverture du festival de Cannes, revenons sur le film qui avait déjà fait monter les marches du Palais à Baz Luhrmann : Moulin Rouge !
Comme il l’avait fait sur Roméo + Juliette, le réalisateur va faire du décalage un véritable parti pris pour transcender une histoire romantique et tragique déjà vue de multiples fois. C’est ainsi que tout le film sera parcouru de reprises inattendues de morceaux pop-rock connus de tous. Your Song d’Elton John, Like a Virgin de Madonna, Lady Marmalade de Patti Labelle, Children of the Revolution de T-Rex, the Show must go on de Queen, autant de tubes qui vont être réinterprétés, réorchestrés avec des acteurs qui révèlent un beau brin de voix, en particulier Nicole Kidman et Ewan McGregor. Mais ces chansons ne sont pas gratuites et s’intercalent dans une histoire classique mais prenante.
Car passées les 15 premières minutes euphorisantes et même épuisantes, lorsque Nicole Kidman entre en scène, tout se met alors en place. L’écrivain et la prostituée de luxe du Moulin Rouge tombent amoureux mais doivent cacher leur histoire naissante sous peine de mettre le spectacle à venir en danger. Bref, une classique histoire romanesque et tragique comme Hollywood les adore mais ici revue à la sauce colorée et au kitsch assumé d’un Baz Luhrmann qui s’en donne à cœur joie pour filmer ses acteurs en costume dans des décors hésitant entre le sublime et le mauvais goût. Mais il met tout cela en scène avec une telle énergie qu’on lui pardonne volontiers sa grossièreté.
Et au milieu du kitsch, il arrive même au réalisateur de toucher parfois le plus haut niveau d’émotion, à l’instar de ce medley au sommet pour qu’Ewan McGregor courtise Nicole Kidman ou la dernière reprise de Come what may (l’une des rares chansons écrites spécialement pour le film). Mais la séquence qui provoquera sans doute le plus de frissons est bien cette reprise du Roxanne de Police dans un tango enragé par une jalousie aveugle, sublime danse entre les ombres.
Entre ses instants fous et ses scènes de grandes émotions, Baz Luhrmann fait de Moulin Rouge un film étrange, une comédie musicale enlevée qui ne ressemble à aucune autre et qui s’inscrit autant dans un cinéma classique que dans un produit complètement pop et délirant, parsemé d’idées. La limite est souvent proche du mauvais goût mais il a au moins le mérite de tenter des choses inédites si bien que ses erreurs rendent finalement le film attachant. Mais c’est aussi surtout un bel écrin pour une Nicole Kidman étincelante dans ce rôle qui vire de la comédie débridée des premières scènes à l’amour indomptable d’un final qui met toutes les émotions en haleine. L’actrice libérée trouve enfin le rôle qui lui fallait pour devenir la grand star glamour revenue d’un Hollywood d’antan sans oublier d’être moderne.
Débridée et émouvante, cette vision du Moulin Rouge par Baz Luhrmann aura pour le moins divisé mais sera loin de passer inaperçue sur la Croisette mais aussi auprès du public puisque le succès était au rendez-vous et a même relancé d’une certaine manière une vague de comédies musicales (Chicago, …) comme on n’en avait plus vu depuis un bon moment.