Il y a des fois où le travail d’éditeur consiste à trouver de petites perles qui nous seraient passées sous le nez à cause du rouleau compresseur du mainstream et des auteurs reconnus. Heureusement, de ce côté, Delcourt est passé maître dans les petites découvertes comme ce Changing Ways de Justin Randall.
Justin Randall ne sera pas inconnu pour tout le monde. En effet, l’australien a déjà travaillé avec Ben Templesmith sur 30 Jours de Nuit. Mais en dehors de cette petite exposition, peu de travaux. Pourtant il travaille en solo depuis quelques années sur une bande-dessinée qui devrait retenir toute notre attention intitulée Changing Ways dans laquelle il nous fait vivre une nuit infernale aux côté d’une famille dont on se sent assez proche.
Tout commence lorsque David Barrot découvre une étrange marque sur le ventre de sa femme enceinte et que son voisin débarque sans prévenir d’un air menaçant alors que la tempête du siècle gronde dehors. Ce n’est que le début de l’enfer pour la famille !
Dès les premières pages, notamment par un choix de dessins simples, plus proches de la peinture, et de couleurs à l’éclairage très étudié, l’auteur retranscrit une ambiance étrange et menaçante. On retrouve un peu de Stephen King mêlé à de l’esprit comics dans Changing Ways, donnant ainsi une belle identité à une histoire que l’on ne peut s’empêcher de lire et chaque page est une petite merveille à découvrir pour plonger petit à petit dans l’étrange.
Ainsi, plus nous avanceront dans cette dangereuse nuit, plus le mystère va s’épaissir. Que sont ces étranges marques qui apparaissent sur les corps des différentes personnes vivant dans cette bourgade ? Que voit la fille de la famille d’un air aussi calme ? Quel est le sombre passé de David ? Quels sont ses meurtres qui jalonnent le parcours de nos héros ? Autant de questions qui trouveront des réponses ou au moins des pistes suffisamment intéressantes pour donner envie de connaitre la suite. On est directement happé dans le récit qui ne fera que s’étoffer.
D’autant plus que la petite famille que l’on pensait plutôt clichée au début (une femme enceinte, on a tout de suite peur) va prendre de la consistance et en une petite soirée de malheurs extrêmes, on s’attache tout de même bien à eux. Le seul petit défaut est parfois un relatif manque de distinction des personnages dans certains dessins mais c’est assez minime face à ce qu’a entrepris Justin Randall avec ce récit à la fois intimiste et pourtant assez ambitieux, multipliant les pistes possible pour ne rien s’interdire dans l’univers qu’il est en train de créer.
Le résultat est une petite pépite, formellement fabuleuse par ses images mais qui a en plus le don de nous plonger dans une histoire intrigante et prenante. Après une si belle et mystérieuse introduction, on espère que la suite sera à la hauteur.