Enfin ! Après des années d’attente, Delcourt nous propose la conclusion (jusqu’ici inédite en VF) de la grande série de J.M. Straczynski, Rising Stars. Une œuvre ambitieuse et passionnante qui traite autant de super-héros que de politique et de la complexité de l’humanité.
Si J.M. Straczynski est connu, c’est sans doute plus pour la création de sa série Babylon 5 et son long run sur Spider-Man pour Marvel. Mais entre les deux, il a travaillé sur ses propres projets de comics chez Image dont ce fameux Rising Stars à l’aube des années 2000 dont la publication avait commencée en France à l’époque chez Semic qui n’en a jamais sorti la conclusion.
Composé en 3 actes situés à des époques différentes, Rising Stars raconte la vie et la mort des 113 « spéciaux» de Peterson et les conséquences qu’aura eu leur existence sur le monde. Ces Spéciaux sont des enfants qui ont été dotés de dons incroyables au moment où une météorite s’est écrasée dans la ville de Peterson, alors qu’ils étaient en gestation. Surveillés de près par le gouvernement américain, en grandissant, ils vont changer la face du monde, à la fois individuellement mais aussi en groupe.
Influencé par le cultissime Watchmen d’Alan Moore, le premier acte débute sur une enquête après l’assassinat de l’un de ces Spéciaux. Ce n’est que le début d’une série de meurtres qui amènera le plus puissant et secret d’entre eux, le bien nommé narrateur de l’histoire, Poet, à s’interroger sur leur nature et la menace qui les guette. Cette enquête nous amène alors à mieux connaitre ces individus au travers de flash back souvent poignants et à comprendre les interactions entre les différents spéciaux. Le second acte est quand à lui plus centré sur un conflit entre les Spéciaux après certaines découvertes capitales. Un conflit qui débouchera sur la décision pour les survivants de changer le monde une fois pour toutes dans la dernière partie, mais cela ne se fera pas sans mal.
Au travers de Rising Stars, Straczynski évoque de nombreux thèmes qui constituent l’essentiel de son œuvre (il suffira de lire aussi son Supreme Powers pour y retrouver le même discours). Il y a ainsi dans les 3 actes du comic book un profond discours politique sur la peur des pouvoirs publics face à l’inconnu et en particulier de l’armée. Montrant bien les dérives d’un système où l’État tente de tout contrôler et en particulier les individus, où la sécurité prime sur la liberté, l’auteur est très virulent vis à vis de la politique de Bush à l’époque.
Mais en plus de ce discours, Straczynski n’oublie pas qu’il doit aussi montrer des personnes très spéciales qui vont développer au cours de leur existence une puissance telle qu’ils vont devenir l’équivalent de dieux. La religion et la science ont alors toute leur place dans le récit, lui donnant une portée mythologique digne des plus grandes légendes, amplifié par la manière de narrer l’histoire par le poète.
A côté de ce discours de grande ampleur sur plusieurs décennies qui change le monde, l’auteur n’oublie jamais ses personnages. Il dresse ici le portrait d’individus complexes qui gèrent chacun leurs pouvoirs de manière différente et si certains se deviennent des super-héros, d’autres vont juste profiter d’une certaine notoriété ou au contraire mener une vie simple, sans compter ceux qui préfèrent vivre dans les ombres ou devenirs plus destructeurs. Tout cela ne va pas durer face aux intensions assez noires de l’État mais sur les années que couvre l’histoire, les personnages ont le temps d’évoluer, de voir le rêves se réaliser ou au contraire être détruits, les amis d’hier devenir ennemis … Dans les exploits ou leurs trahisons, ils se révèlent tous passionnants et finalement profondément humains. C’est cet attachement aux personnages qui donne aussi à Rising Stars sa profondeur et son ampleur.
Même le changement régulier de dessinateurs (pas toujours pour le meilleur, pouvant alors un peu nuire à l’unité de l’ensemble) n’atténuera pas la beauté du final prophétique et émouvant de Rising Stars, classant définitivement le comic book comme l’un des « must read» absolus. On se dit alors qu’entre les mains d’un grand réalisateur, l’histoire pourrait donner également l’une des plus grandioses trilogies au cinéma. Mais après les soucis qu’a connu Straczynski lors de la parution du comic book alors qu’il développait le scénario pour le grand écran, ce n’est apparemment pas près d’arriver. Reste alors ces 3 tomes pour en rêver.