Aujourd’hui, on revient sur le meilleur film de M. Night Shyamalan et certainement l’un des films abordant le plus subtilement la notion de super-héros et la culture comics. Voilà le bijou culte Incassable.
Après le succès aussi surprise que monumental de son Sixième Sens, le deuxième film de celui qui était alors annoncé comme un prodige, M. Night Shyamalan, était forcément attendu au tournant, tout le monde espérant être à nouveau retourner par un twist final remettant tout en perspective. Pour l’épauler, il refait donc équipe avec Bruce Willis et prend à nouveau le cadre de la vile de Philadelphie dans une ambiance intimiste et dépressive pour aborder un sujet contemporain qui prend d’autant plus d’importance aujourd’hui, alors que les super-héros font maintenant la pluie et le beau temps sur le box-office.
Pour rappel, l’histoire se concentre sur David Dunn, un homme mal dans sa peau, connaissant de gros problèmes relationnels avec sa femme et son fils. Unique rescapé, indemne d’un accident de train meurtrier. Pourquoi et comment a-t-il pu survivre à une telle catastrophe ? C’est auprès de l’énigmatique Elijah Price, propriétaire d’une galerie d’art sur les super-héros et victime d’une maladie rendant ses os aussi fragiles que du verre, qu’il trouvera une réponse qui pourrait changer sa vie.
Dès le début du film, M. Night Shyamalan pose son personnage et le ton du film. A travers le regard d’un enfant, nous sommes témoins d’une pathétique tentative de drague de David Dunn avant que l’accident n’arrive. Il dresse ainsi en une petite scène, tournée de manière originale, le portrait d’un homme perdu avec ses failles, très loin du héros qu’il pourrait être censé devenir. Puis, loin de toute image spectaculaire, la catastrophe éludée, ensuite montrée simplement à travers un journal télévisé avant de découvrir que David a survécu et que sa famille est là pour le retrouver. La suite du film ne sera alors qu’une longue quête pour Dunn, un parcours initiatique pour comprendre qui il est et le rôle qu’il a à jouer auprès de la société mais surtout auprès de sa famille.
Avec Incassable, Shyamalan reprend à son compte, bien avant que ne débarque la vague de films de super-héros (nous sommes en 2000 et seul X-Men est sorti), le mythe du super-héros pour l’adapter à un homme comme tout le monde, avec ses propres problèmes, de manière particulièrement réaliste. Tout le film est une initiation pour le héros qu’il doit devenir. Accepter son pouvoir (celui d’être indestructible), avoir un acolyte pour partager ses aventures, connaitre sa faille (l’eau, responsable d’une scène particulièrement angoissante), et l’inévitable némésis dont il devra déjouer les plans. Le réalisateur va même arriver à apporter quelques plans iconique dans un cadre intimiste. Ainsi lorsque David rend sa femme endormie pour l’emmener au lit ou quand il se promène avec son imperméable, on ne peut qu’y voir des images assez symboliques du genre (appuyés par la musique de James Newton Howard), laissant place à un émerveillement discret mais bien palpable.
Et il ne faudrait pas non plus oublier le personnage de Price (formidable Samuel L. Jackson aussi fragile qu’intriguant), opposé du héros, passionné de comics qui nous rappelle évidemment sans cesse au genre et nous en montre une facette très adulte, dépassant alors son aspect parfois trop manichéen.
Mais si Shyamalan utilise le mythe du super-héros, c’est aussi et surtout pour parler de la famille. Comme dans le cinéma de Spielberg, le réalisateur montre ici une famille en plein éclatement et il suffirait d’un rien pour qu’elle explose C’est alors l’enfant que va venir le moteur de la réconciliation. La relation entre le père et le fils est d’ailleurs primordiale dans Incassable. Le fils voit son père comme un héros et le père se doit d’être un héros pour son fils et pour sauver sa famille. Le thème est abordé avec une vraie sensibilité à la fois par le réalisateur mais aussi par les comédiens.
Encore plus maitrisé que son Sixième Sens, Incassable confirme alors tout le talent d’auteur mais aussi de metteur en scène (fortement influencé par Hitchcock, c’est flagrant dans certaines scènes mais toujours bien réapproprié pour servir l’histoire) de M. Night Shyamalan dont on peut aisément présumer qu’il s’agit de son meilleur film à ce jour. C’est bien pour cela que l’on attend toujours désespérément la suite. En effet, le réalisateur à toujours déclaré avoir un plan pour faire d’Incassable une trilogie qui se laisse pour le moment bien désirer alors qu’il est tombé bien bas dans notre estime depuis quelques temps.