Blancanieves, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Nous l’avions loupé en salles, mais comme on dit, « il n’est jamais trop tard» . Du coup c’est en vidéo que nous découvrons la magnifique réinterprétation espagnole de Blanche Neige avec Blancanieves, multi-récompensé aux Goyas.

Le conte des frères Grimm Blanche Neige est tellement intemporel qu’en 2012, ce ne sont as moins de 3 versions qui sont sorties au ciné. Il y avait d’un côté la version déjantée de Tarsem Singh avec Julia Roberts, de l’autre sa version plus héroïc fantasy avec Kristen Stewart. Mais pendant ce temps, en Espagne, sortait également Blancanieves de Pablo Berger dont l’originalité, la beauté et la poésie sont à mille lieues des produits hollywoodiens précédemment cités. En effet, le réalisateur choisit de approprier complètement le conte et ancre son histoire dans les années 20 et le milieu de la tauromachie. On y retrouve évidemment tous les éléments clés du conte, la belle-mère acariatre, la beauté de Blanche Neige, les 7 nains, … mais revisités à chaque fois de manière passionnante.

L’autre originalité de cette version du conte est d’être un film muet en noir et blanc. Malgré l’impression ancienne que le principe pourrait donner, Pablo Berger apporte en fait une étrange modernité au procédé qui lui permet de rendre son conte bien authentique mais surtout incroyablement poétique. La mise en scène est dynamique et offre des image d’une beauté presque hypnotique pour illustrer le conte comme il ne l’a jamais été.

Grâce à l’incroyable partition d’Alfonso Vilallonga, nous entrons sans peine dans le film. Et si les sentiments sont parfois trop appuyées par la musique, celle-ci se doit de rendre une vraie par à l’histoire pour compenser le manque de dialogue. Il en résulte alors des émotions pures qui s’alignent sur les images noir et blanc. Cet aspect épuré sied parfaitement au conte et à sa beauté vénéneuse pour retranscrire au plus juste ce que ressentent théâtralement les personnages.

Le film repose aussi sur une superbe interprétation de son duo d’actrices principales. Alors que Blanche-Neige révèle Macarena García, pure et innocente à laquelle on reste aussi attaché que les 7 nains, c’est bien Maribel Verdu (le Labyrinthe de Pan) qui offre une prestation magnifique dans le rôle de l’horrible belle-mère. A la fois désirable et odieuse, elle est ici purement diabolique jusqu’au bout à tel point qu’elle infra d’une certaine manière aux enfers (cette image finale pour son personnage, face aux cornes du taureau rappelant le diable, est formidable).

Mais dans Blancanieves, il y a aussi un aspect plus authentique qui nous rappelle aux premiers films étranges. En effet, l’utilisation des nains itinérants qui finiront dans une foire n’est pas sans rappeler l’étrangeté de Freaks, la monstrueuse parade ou Elephant Man. Le mélange de ce genre avec celui de l’Espagne et de la tauromachie fait de cette version de Blanche Neige un objet fascinant qui ramène toute la monstruosité  et l’étrangeté initiales des contes de Grimm avec une grande et belle modernité.

A juste titre multi-primé aux Goyas, Blancanieves est une sublime vision du conte intemporel mais aussi un très beau moment de cinéma audacieux, merveilleux et noir. Une pomme empoisonnée à savourer avec passion.