Culte du dimanche : le Roi et l’Oiseau

Par Fredp @FredMyscreens

A l’occasion de sa projection spéciale dans le cadre du Champs Élysées Film Festival, il était temps de revenir sur ce bijou d’animation qu’est le Roi et l’Oiseau de Paul Grimault et Jacques Prévert.

A l’origine, il y avait le simple conte d’Andersen, La Bergère et le Ramoneur que l’animateur français Paul Grimault choisit d’adapter en long-métrage  avec l’auteur Jacques Prévert. Sorti en en 1953, le film manipulé par la production ne correspondait pas du tout à la vision de ses créateurs. Ceux-ci se battront jusqu’en 1967 pour en récupérer les images et les droits et se relancer de l’aventure de la création du film tel qu’ils l’avaient conçu, critique vis-à-vis de la société et incroyablement poétique.

C’est donc près de 30 ans plus tard, en 1980, avec 20 minutes de plus et beaucoup de changements que sort cette version finale cette fois intitulée Le Roi et l’Oiseau. Car finalement, Grimault et Prévert ne reprennent du conte d’Andersen que les 2 personnages de la bergère et du ramoneur en fuite pour axer leur récit sur la lutte entre le roi Charles Cinq et Trois font Huit et Huit font Seize, tyran de Takicardie et l’oiseau, railleur au grand cœur.

Entre le roi tyrannique, mégalo, narcissique et la liberté défendue par l’oiseau, c’est la guerre ouverte. Et les créateurs de prendre évidemment le parti de l’oiseau. En effet, en faisant le portrait d’un roi détestant son peuple (et celui-ci le lui rendant bien), imbu de lui-même et légèrement idiot, dont la hauteur du château cherche forcément à compenser autre chose, Paul Grimault et Jacques Prévert font un portrait assez acide du pouvoir et des suiveurs qui sont attirés par lui.
Leader froid, sans humanité, il se rapproche même complètement de la machine qu’il a créé pour traquer ceux qui osent s’opposer à lui. Face à lui, l’oiseau incarne lui cet idéal de liberté, de révolution contre l’ordre établi qui s’emparer de la machine du pouvoir pour la détourner de son but initial.

Le Roi et l’Oiseau est ainsi immensément riche dans ses thèmes, parlant autant de dictature et de liberté, de pouvoir, de travail forcé et lutte des classes que de l’utilisation de la machine. Mais il est aussi le reflet du combat de Grimault et Prévert pour leur liberté artistique face aux puissances financières des producteurs qui les ont muselé. Le film peut ainsi se voir à plusieurs niveaux mais c’est toujours la liberté et l’humanité qui finit par l’emporter en mettant la machine à son propre service.

La force et l’émotion du Roi et l’Oiseau passe aussi par l’audace qu’avait Grimault dans le design de ses personnages et ses décors remplis d’idées autant que dans l’animation exemplaire (ce n’est pas pour rien qu’il était qualifié de Disney français), mais également par la plume si personnelle de Prévert (qui sied à ravir au verbiage de l’Oiseau), donnant alors au film une allure de fable poétique et décalée (parfois jouant même sur l’absurde) sur la société accessible à tous les âges. On peut aussi retrouver dans le film beaucoup d’éléments déjà présents dans Metropolis (la ville basse où les travailleurs ne voient pas la lumière du jour) pour délivrer le même message d’une aussi belle manière.

Le film ne souffre même aujourd’hui aucunement de ses 30 années d’attente grâce à un message sur la lutte des classe toujours autant d’actualité. Et même mieux, le Roi et l’Oiseau est régulièrement cité par les grands maître de l’animation américaine (John Lasseter ou Brad Bird) et surtout japonaise (Hayao Myiazaki en tête) comme une grande source d’inspiration, donnant alors ses lettres de noblesse au cinéma d’animation français. Quand on se retrouve face à un tel chef d’œuvre, c’est bien normal.