Culte du dimanche : Pas de Printemps pour Marnie

Par Fredp @FredMyscreens

Un nouveau Hitchcock dans le culte du dimanche et pas des moindres puisqu’il invite Sean Connery dans le passionnant et psychologique Pas de Printemps pour Marnie.

Après les succès de la Mort aux Trousses, Pyschose ou encore les Oiseaux, Alfred Hitchcock est devenu le roi du box office avec des films qui enthousiasment autant la critique que le public. Mais le réalisateur anglais ne se repose pas sur ses acquis et aime prendre des risques. Pour son film suivant, il ressort donc un projet qui lui tenait depuis déjà un petit moment à coeur, l’adaptation du livre Marnie de Winston Graham. L’occasion pour lui de remettre sur le devant de la scène sa muse Grace Kelly qui souhaitait avec ce rôle ambigu faire son grand retour au cinéma. Toutefois, la princesse de Monaco finit par refuser l’offre. Hitchcock se tourna donc vers l’actrice qu’il a révélé dans Les Oiseaux, Tipi Hedren pour tenir le rôle titre.

Pas de Printemps pour Marnie raconte donc l’histoire d’une jeune femme, Marnie Edgar, voleuse compulsive et frigide. Après avoir volé Mark Rutland, celui-ci tombe amoureux d’elle et il va tout faire pour qu’elle cesse de fuir et l’aider à surmonter ses problèmes. Contrairement à ses films précédents qui pouvaient être reliés à des genres bien définis et qui entretenaient un suspense parfois artificiel en permanence, Hitchcock verse ici dans le thriller purement psychologique aux personnages assez malsains mais passionnants !

Car toutes les obsessions du maître sont ici particulièrement présentes. Du côté de Marnie, on retrouve ce trouble de la personnalité (les transes dans lesquelles elle tombe lorsqu’elle commet un vol ou les crises d’angoisse qu’elle subit lorsqu’elle se retrouve face à la couleur rouge), ce jeu sur la couleur des cheveux, une relation castratrice avec la mère (lui faisant refuser d’être touchée par un homme). Tipi Hedren se révèle alors passionnante dans ce rôle à la fois fragile et malsain.
A ses côtés, Sean Connery détruit quand à lui l’image de James Bond qu’il vient de camper en faisant de Mark Rutland un homme complètement obsédé par cette femme, allant même jusqu’au viol (chose que le scénariste de l’époque avait refusé d’écrire mais qui réussit à passer grâce au savoir-faire du réalisateur et des comédiens).

D’une certaine manière, les rapports entre ces deux personnages peuvent aussi être perçus comme un miroir de la relation chaotique entretenue par le réalisateur et la comédienne pendant le tournage. En effet, Hitchcock multipliait les avances auprès de Tipi Hedren sans arrêt obligée de le repousser. Le réalisateur furieux a alors tout fait pour détruire la carrière de la comédienne qu’il a fait naître, apportant alors une horrible ambiance sur le tournage mais qui paradoxalement va complètement servir le propos du film et certainement influer sur l’intensité du jeu de Tipi Hedren.

Si Hitchcock a toujours été reconnu pour son inventivité technique, cela est moins flagrant dans Pas de printemps pour Marnie qui se concentre plus sur ses personnages à fleur de peau. Il reprend ainsi par exemples quelques procédés utilisés dans Sueurs Froides comme l’utilisation de la couleur rouge ou du zoom. Malgré cela, il reste tout de même d’une efficacité à toute épreuve comme le montre le vol du coffre alors que la femme de ménage arrive ou l’arrivée du personne plutôt gênante à une fête. Le réalisateur tient ainsi les 130 minutes de son récit sans peine et nous laisse sans arrêt dans l’attente des prochains événements, nous laissant délicieusement haïr et aimer ses personnages.

Injustement boudé lors de sa sortie en salles (tout est relatif, mais comparé au succès des Oiseaux, celui de Marnie fait pâle figure), le film a toutefois aujourd’hui trouvé ses lettre de noblesse. Il s’agit en effet ici d’un thriller psychologique de haute volée, particulièrement centré sur les obsessions du cinéaste qui semble se livrer ici plus ouvertement qu’à l’accoutumée. A ce titre, Pas de Printemps pour Marnie est peut-être même l’un des films les plus intéressants et obsédants du cinéaste.