Michael Kohlhaas

Par Fredp @FredMyscreens

Après sa présentation cannoise, c’est en contre-programmation estival que nous pouvons donc découvrir Michael Kohlhaas, épopée médiévale intimiste emportée par le magnétique Mads Mikkelsen.

Présenter cette année Michael Kohlhaas en compétition officielle au Festival de Cannes n’était peut-être pas la meilleure idée même si cela participer à la médiatisation d’un film que personne n’attendait là. Pourquoi cela lui aurait fait du mal ? Car avec son rythme lent et en fin  de festival, le film allait peut-être tirer sur la dernière corde de survie des journalistes gavés de films et se remettant encore de leurs soirées arrosée. Voir le film hors de ce contexte, comme tout le monde en fait, se révélera donc bien plus salvateur pour apprécier le film d’Arnaud Des Pallières.

Adaptant une nouvelle allemande de Heinrich Von Kleist, Michael Kohlhaas raconte comme un marchand de chevaux, victime de l’injustice d’un seigneur et de l’incompréhension de la cour va mener une révolution dans sa province, embringuant avec lui d’autres marchands et paysans pour réclamer ce qui lui est dû. Sorte de Braveheart en bien plus intimiste et à plus petite échelle, l’histoire se révèle déjà vue mais racontée ici avec une mise en scène qui prend son temps, qui laisse parler l’image et les visages de ses personnages plutôt que les textes.

Si on connait peu Arnaud Des Pallières dont la filmographie n’est pas très grand public, il montre ici une véritable identité et s’inscrit dans un genre de film que nous ne voyons finalement plus/peu en France, un drame intimiste dans un contexte médiéval qui n’est toutefois jamais déconnecté des préoccupation qui nous occupent aujourd’hui. N’allant jamais chercher le film épique qu’il pourrait être, Michael Kohlhaas développe une toute autre personnalité qui n’en est pas moins intéressante, celle d’un homme désespéré, qui veut réclamer justice à tout prix et récupérer ce qui lui est dû par les puissants.

Avec un style brut, sans envolées lyrique, avec quelques longueurs, le réalisateur reste au plus près de son personnage dont le visage souvent en gros plan, marqué par les épreuves personnelles qu’il endure et les doutes qui l’assaillent (cherchant à se faire pardonner par la religion qui ne lui accorde pas ce droit dans un superbe duel avec Denis Lavant). Mais il n’oublie pas pour autant de nous immerger complètement dans la culture et le contexte difficile de l’époque, et ce sans en montrer beaucoup. Il suffit d’un simple décor au milieu de la nature (le réalisateur sait profiter des paysages qui lui sont offerts), d’une musique simple mais parfaite pour être immergé dans l’histoire, de quelques cavaliers brandissant une épée autour d’un feu de camp pour y croire et en ce sens, Arnaud Des Pallières utilise à bon escient son budget qui ne devait pas être phénoménal mais suffisant pour raconter son histoire plus contemporaine qu’il n’y parait.

Mais évidemment, le film ne serait pas ce qu’il est sans la performance une fois de plus remarquable de Mads Mikkelsen. L’acteur danois jouant ici en français endosse le costume de ce marchand et brandit l’épée avec un magnétisme qui n’appartient qu’à lui. Par instants magnifié comme dans son rôle de Guerrier Silencieux, nous nous attendons bien à ce que sa rage déborde d’un seul coup mais celle-ci restera contenue. Tiraillé entre sa famille et son combat, on sent que son personnage ira jusqu’au bout pour avoir justice.

Il faudra évidemment se faire au rythme lent de Michael Kohlhaas mais son combat mené par un Mads Mikkelsen au charisme imperturbable au milieu d’une époque froide et rugueuse décrite par Arnaud Des Pallières est passionnant de bout en bout.