Après l’échec de la prédiction Maya annonçant la fin du Monde pour 2012, qui suivait elle-même les oracles foireux de Paco Rabanne et le bug fatidique de l’an 2000, on pensait que la mode des films apocalyptique allait passer. Mais c’était compter sans les frères Pastor.
Déjà auteurs de Infectés, dans lequel l’espèce humaine était menacée d’extinction à cause de l’émergence d’un germe mortel, voilà qu’ils récidivent avec Les Derniers jours, où il est encore question d’un virus dévastateur.
Mais cette fois, il y a une petite originalité. Une subtilité, même.
Le virus en question – la “panique” – est très contagieux, puisqu’il touche quasiment tous les être humains vivant à la surface du globe, mais il n’est pas directement mortel. En fait, il fait surtout juste souffrir les individus d’une profonde agoraphobie, obligeant les malades à rester cloîtrés chez eux ou sur le lieu où ils étaient quand ils ont contracté le virus.
Le personnage central, Marc (Quim Gutiérrez) était à son bureau, dans le centre de Barcelone, quand il a été frappé par la maladie. Depuis, il n’a qu’une idée en tête : retrouver sa femme Julia (Marta Etura), qui est restée enfermée à leur domicile. La seule possibilité d’arriver jusque-là est de passer par les bouches de métro et les tunnels d’égoûts.
Il décide de s’associer à Enrique (José Coronado), qui a réussi à dérober un GPS en état de marche, la seule façon de s’orienter efficacement dans les sombres souterrains de la ville…
Les deux hommes ne s’apprécient guère et se méfient l’un de l’autre, mais vont devoir collaborer pour gagner leurs destinations respectives, car le voyage s’annonce long et compliqué. Dans les entrailles de la ville, de nombreuses personnes luttent pour leur survie, à la recherche de nourriture, d’eau potable ou de tout autre objet pouvant être utile. Et évidemment, comme il n’y a plus personne pour faire régner l’ordre, les actes criminels sont fréquents…
Ce qui est assez savoureux dans cette histoire, c’est que Marc était en train de travailler sur un antivirus justement, mais informatique celui-là, quand il s’est aperçu qu’il était atteint à son tour. Un programme capricieux sur lequel il a passé des nuits blanches, à cause de la pression mise sur lui par… Enrique. Avant le drame, ce dernier était en effet un “coupeur de têtes” envoyé par la direction pour licencier le personnel le moins productif de la société. Il avait fixé un ultimatum à Marc pour finaliser sa tâche au plus vite, sous peine d’être viré sans ménagement. Comme un de ses collègues, jeté à la rue comme un malpropre et première victime espagnole de la “panique”…
Des gens qui ont peur de se voir mettre à la porte et qui deviennent soudainement agoraphobes? Dites voir, il n’y aurait pas un fond social très prononcé dans cette histoire? Oui, évidemment…
Les cinéastes pointent du doigt les dérives du libéralisme et de nos modes de vie trop stressants, la crise économique, l’incommunicabilité entre les êtres, l’inconséquence des gens vis-à-vis de leur environnement…
Ils signent une parabole de nos sociétés contemporaines où les gens se replient sur eux-mêmes et sont dominés par la culture de la peur : peur de l’Autre, peur de faire un enfant, peur de perdre son travail, peur de ne pas être à la hauteur, peur de la solitude… Une peur qui nous sclérose, qui nous empêche de nous épanouir.
Leur propos est sombre, mais le récit ménage néanmoins une lueur d’espoir. Au cours de leur périple, Marc et Enrique sont confrontés à la barbarie des hommes, revenus à un état sauvage primal, mais partagent aussi de beaux moments de complicité. Par exemple auprès de cette famille qui s’est réfugiée dans un appartement vacant et qui survit en collectant de l’eau de pluie et en chassant les pigeons. Ils finissent même par devenir amis, à force de s’entraider et de surmonter ensemble les moments difficiles.
Leur voyage les oblige à se remettre en question, à réaliser leurs erreurs et à se recentrer sur les choses essentielles – la famille, l’amitié, l’amour et la solidarité. Une base solide sur laquelle il est possible de construire un avenir meilleur pour les jeunes générations…
Le récit fonctionne bien, émaillé de jolis morceaux de bravoures, comme cet affrontement féroce pour la nourriture dans un supermarché transformé en champ de bataille post-apocalyptique, de moments plus intimistes et de scènes de flashback retraçant le parcours de Marc et Enrique.
On trouvera juste dommage que le scénario soit un peu trop linéaire, que les cinéastes surlignent inutilement certains effets dramatiques et qu’ils usent de rebondissements un peu trop faciles parfois.
Par ailleurs, autant prévenir tout de suite les fans d’action pure et dure, le rythme narratif est relativement lent – comme dans Infectés d’ailleurs – et ne leur conviendra donc pas forcément.
Sans être un chef d’oeuvre, Les Derniers jours confirme le talent singulier d’Alex et David Pastor, cinéastes hantés par la perspective de la fin du monde et chantres d’un cinéma d’anticipation intelligent, plus porté sur l’émotion et la réflexion que sur les effets pyrotechniques. Malgré cette crise économique apocalyptique qui l’a frappé de plein fouet, le cinéma de genre espagnol est toujours vivant. Et c’est une excellente nouvelle…
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Les Derniers jours
Los Ultimos dias
Réalisateurs : Alex Pastor, David Pastor
Avec : Quim Gutiérrez, José Coronado, Marta Etura, Leticia Dolera, Ivan Massagué, Mikel Iglesias
Origine : Espagne
Genre : Post-apocalyptique
Durée : 1h40
Date de sortie France : 07/08/2013
Note pour ce film : ●●●●○○
Contrepoint critique : Critikat
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