Dans la tête de Charles Swan III [Critique]

Par Kevin Halgand @CineCinephile

"Graphiste réputé de Los Angeles, Charles Swan est un séducteur excentrique à qui tout a toujours souri. Mais quand son grand amour Ivana, lassé de ses frasques d’homme à femmes, met brutalement fin à leur relation, c’est tout son monde qui s’effondre.
Avec le soutien de ses fidèles amis Kirby et Saul et de sa sœur Izzy, il entreprend alors un étrange voyage d’introspection dans son imaginaire, et tente de se résigner à vivre sans Ivana."

On se demandait si chaque membre de la famille Coppola possédait un véritable talent pour le cinéma moderne et il faut croire que la réponse est oui ! Francis Ford Coppola qui n’est autre que le patriarche, le père de cette grande famille, est indéniablement celui qui est le plus talentueux. Il suffit de penser à Apocalypse Now, pour comprendre que ce n’est pas n’importe qui. Depuis quelque temps, il est de plus en plus penseur et il nous a offert un véritable bijou qui se nomme Twixt il y a peu de temps. Twixt était un film à ambiance, dans lequel la réalisation était très contemplative vis-à-vis de ces personnages et des décors. Cette réalisation est semblable à ce qu’aime faire sa fille, Sofia Coppola, mais également à ce que sait faire son fils : Roman Coppola. Roman Coppola n’est pas un grand metteur en scène, car il a seulement réalisé un film que personne ne connaît (C.Q) ainsi que deux documentaires, dont D.A.F.T. Il a décidé de sortir de l’ombre cette année avec Dans la tête de Charles Swan III et on va découvrir qu’il a le même talent que sa sœur pour mettre en images des personnages creux, mais loin d’être inintéressant.

"Dans la tête de Charles Swan III est en réalité une fausse biographie de la vie de Charlie Sheen"

Dans la tête de Charles Swan III va raconter aux spectateurs la façon dont Charles Swan va réussir à enlever de sa tête son ancienne petite amie qui répond au doux nom de : Ivana. Il est fou d’elle et souhaite l’oublier, mais comment faire pour oublier quelqu’un qui vous obnubilait à ce point ? C’est à cette question que le film va répondre et il va le faire de manière originale et intrigante, puisqu’on va entrer dans la tête de son principal protagoniste. Pour découvrir comment oublier, il faut revenir au point de départ pour comprendre pourquoi elle l’a quitté, qu’est-ce que ne va pas dès le départ chez ce Charles Swan pour que celle qui l’a aimé, l’a précipitamment quitté ? La première scène du film est à la fois déroutante et absolument géniale. Telle une conversation entre Charles Swan et son psychologue, ce dernier va ouvrir le cerveau de son patient de manière imagé afin de montrer au spectateur ce qui obnubile ce Charles Swan. Cette scène d’introduction est à la fois une présentation du personnage et une présentation du film en règle générale. Dans cette scène le psychologue va montrer au spectateur à quoi il va être confronté dans ce film. Charles Swan est donc un quadragénaire accro au sexe qui ne pense qu’aux femmes, à son meilleur ami, à sa grand-mère et à sa sœur. Par conséquent, le casting de ce film est composé à 70% de femmes et les autres personnages proches de Charles Swan que l’on verra dans les scènes se déroulant dans le monde réel, seront seulement son meilleur ami, sa sœur et sa grand-mère.

Dans ce film, tout est centralisé autour du personnage principal, ce qui est normal puisqu’en réalité le psychologue dont je parlais un peu plus tôt, n’est autre que le spectateur lui-même. Dans la tête de Charles Swan III est un film maîtrisé de bout en bout, qui se veut être à la fois réaliste/touchant dans sa morale finale et surréaliste/hilarant dans ses phases imagées où le spectateur est plongé dans les rêves du personnage. On pourrait comparé ce film à du Michel Gondry, mais il n’en est rien. Michel Gondry use de séquences déroutantes et imagées afin d’arriver à des buts pessimistes, alors que ce film et sa morale ne sont qu’optimisme. Même si Charles Swan est psychologiquement blessé, il peut s’en sortir et la manière dont il peut s’en sortir est la représentation parfaite de l’homme qui se réveille après un coup brutal. On veut nous faire comprendre que derrière son aspect égocentrique de faux millionnaire qui se croit tout permis, Charles Swan n’est qu’un homme comme les autres. C’est une morale simpliste et assez courante dans le cinéma actuel, mais elle est en parfaite correspondance avec la mise en scène et la réalisation de Roman Coppola.

"film surréaliste/hilarant dans ses phases imagées où le spectateur est plongé dans les rêves du personnage"

Le film ne s’arrête pas là et va plus loin dans son scénario, puisque le film se permet de faire une critiquer du milieu hollywoodien (comme Sofia Coppola l’avait fait avec Somewhere), mais également un parallèle entre Charles Swan et la vie de celui qui l’incarne : Charlie Sheen. Ils ont des vies semblables et la comparaison est évidente. Dans la tête de Charles Swan III est en réalité une fausse biographie des dernières années de la vie de Charlie Sheen et le réalisateur ne s’en cache à aucun moment. Pour jouer de cela, il a décidé de donner un double nom au personnage, car à certains moments de sa vie et notamment lorsqu’on est dans ses rêves, Charles se fait appelé Charlie par tous ceux qui l’entoure. On aurait aimé avoir quelque chose de plus cohérent à ce niveau, puisque les moments où il se fait appelé Charlie, sont aléatoires et on ne comprendra pas toujours qui est qui, alors qu’il était possible de faire quelque chose de plus clair et nuancé.

Ce film n’est pas un simple film comme les autres dans sa réalisation et c’est ce qui fait son originalité. Tel Sofia Coppola avec Somwhere, ici Roman Coppola centralise sa réalisation autour du personnage de Charles Swan avec des plans serrés sur le personnage et non pas sur l’action de la scène. Le personnage est de tous les plans ou s’il n’y est pas, c’est que le réalisateur souhaite nous faire comprendre quelque chose, mais également à Charles. La réalisation est très tranchée dans sa technique puisqu’on va retrouver des plans très longs et très lents, ainsi que beaucoup de plans fixes. On a une mise en scène qui tourne autour de ce personnage, mais le réalisateur n’oublie pas pour autant les personnages secondaires, ainsi que les décors. Les décors sont très beaux et bien utilisés dans ce film, pour donner de la lumière et une sensation de libertés. Les environnements sont vastes et si la scène se déroule dans un endroit fermé, il y aura toujours une source lumineuse qui donne sur l’extérieur. Les décors ne possèdent pas d’histoires et ne racontent rien, mais ils sont beaux, bien mis en valeur et diversifiés de l’un à l’autre. Dans la tête de Charles Swan III possède un gros défaut qui sont les transitions d’entre séquences. Elles ne sont pas toujours bien gérées et de ce fait, le spectateur ne sait plus par moment s’il est dans un rêve du personnage, ou bien dans la réalité. Malgré ce défaut, on retombe sur nos pattes et on arrive à cerner les scènes et ce qu’elles racontent sans trop de problèmes.

"Roman Coppola centralise sa réalisation autour du personnage de Charles Swan"

Dans la tête de Charles Swan III est un film qui ne plaira pas à tout le monde, mais on est loin du film qui mérite ses moins de 14.000 spectateurs en France. Roman Coppola nous offre un film maitrisé, au scénario simpliste dans sa morale, mais des plus efficaces dans sa façon de faire. Telle une séance chez le psychologue, Charles Swan va nous exposé ses pensées les plus profondes et à partir de ça, le spectateur va diagnostiquer la façon dont il peut oublier celle qu’il aime encore. En plus de faire comprendre aux spectateurs grâce à quoi l’homme pour retrouver des pensées cohérentes et naturelles, Roman Coppola effectue un parallèle des plus drôles et touchant avec la vie de Charlie Sheen. Fausse biographie de l’acteur blacklisté à Los Angeles, il s’agit du film qui aurait pu lui permettre une certaine rédemption, car il y apparaît comme un excellent acteur qui peut à la fois agacé, mais également faire rire et émouvoir le spectateur. Tout comme Charlie Sheen, Jason Schwartzman, Bill Murray, Katheryn Winnick et Patricia Arquette livrent de très belles prestations. À cela, on ajoutera une réalisation gracieuse qui permet au spectateur de contempler de superbes décors, ainsi qu’une bande sonore des plus rythmée et joyeuse. Une très belle surprise qui mérite le détour pour quiconque aime les films originaux.