Le succès de la série de comics “Kick-Ass” et de l’adaptation sur grand écran qu’en a tiré Matthew Vaughn a évidemment fait germer une suite (1) dans l’esprit de son créateur, Mark Millar. Et même de deux suites, puisque Kick-Ass constituera normalement une trilogie.
Mais il s’est retrouvé contraint de réfléchir à l’évolution du personnage et au cadre de ses aventures. Dans le premier opus, ce n’était pas bien compliqué, il suffisait de raconter la genèse du personnage, où comment un ado geek fan de comics décidait de vivre pleinement sa passion en se transformant en super-héros. Et de confronter le fantasme du justicier invincible au monde réel, où les gugusses masqués peuvent périr sous les balles de leurs ennemis.
Dans ce second épisode, le personnage central, Dave Lizewski a pris conscience qu’il n’est qu’un gamin jouant au super-héros, et que sans son aptitude hors du commun à encaisser les coups et l’aide de l’impitoyable Hit-Girl, il serait mort depuis longtemps. Mais il n’a pas renoncé à porter le costume. Il lui faut juste quelqu’un pour l’épauler et veiller sur ses arrières. Il demande donc à Hit-Girl de faire équipe avec lui. La jeune fille accepte de l’entraîner et de l’endurcir, mais à force de sécher les cours pour s’occuper de Kick-Ass et, accessoirement, de buter quelques criminels, son tuteur repère le manège et lui fait promettre de ranger définitivement sa panoplie de super-héroïne au vestiaire. Kick-Ass, qui a de la suite dans les idées, se met en quête d’autres comparses. Et vu qu’il a inspiré la vocation de justicier masqué à tout un groupe d’illuminés, il finit évidemment par trouver un groupe prêt à l’accueillir.
La team “Justice Forever” – c’est son nom – est dirigée par le Colonel Stars & Stripes, un ex-gangster touché par la grâce et désormais prêt à mettre ses talents physiques au service du “Bien” (enfin… c’est relatif…). Elle comprend le Docteur Gravity, à la batte de baseball recouverte de papier d’aluminium, la sexy Night Bitch, Insect man, un gay qui ne veut plus se laisser humilier par des brutes épaisses, un couple qui veut venger la mort de leur enfant, enlevé quelques années auparavant et Battle Guy, un ado de l’âge de Kick-Ass.
Evidemment, cette bande de super-héros va devoir affronter une armée de méchants assez féroces.
Red Mist, le fils du gangster tué par Kick-Ass et Hit-Girl à la fin du premier opus, veut absolument se venger. Il se fait désormais appeler le “Motherfucker”, assumant désormais totalement son statut de “super-vilain”. Conscient, lui aussi, d’avoir besoin de renforts, il engage tous les mercenaires sanguinaires qu’il peut trouver. Entres autres, Mother Russia, un ex agent du KGB, mix entre l’Ivan Drago de Rocky 4 et Nick Fury, version “jupons”, capable d’éradiquer à elle seule une division entière de policiers…
”Kick-Ass 2”, le comics, c’est juste ça. La montée en puissance de deux bandes de gugusses masqués prêts à en découdre, avec justice expéditive pour les uns, actes de barbarie et sadisme pour les autres, suivi d’un affrontement sauvage entre toutes les parties. Un récit très rapide, qui se lit très vite et qui ne laisse pas spécialement un souvenir impérissable.
Aïe… Pour adapter ça au cinéma, c’est léger…
Autre casse-tête pour le scénariste, la cruauté du récit original. A Hollywood, il règne toujours une certaine forme de puritanisme et de “politiquement correct” et la commission de censure n’accepte pas n’importe quoi. La violence n’est plus trop un problème, même s’il faut faire attention à ce que les combats ne virent pas au bain de sang. Il y a donc le quota minimal de mains coupées, de cervelles explosées et de tripes à l’air, sans que cela choque. Mais certaines choses ne passent pas. Hors de question de tuer des animaux à l’écran. Et encore moins des enfants. Et impossible de filmer un viol, ou même de le suggérer… Exit, donc, les scènes-chocs de la BD originelle.
Idem pour les personnages, édulcorés pour le passage sur grand écran. Red Mist est ici beaucoup moins vicieux et méchant que dans l’oeuvre de Mark MIllar. Et si le Colonel Stars & Stripes était bien un repenti, dans tous les sens du terme, dans la BD, il ne passait pas son temps à faire la morale aux autres par rapport aux jurons ou aux blasphèmes. Ah, la petite touche du “système”…
Ouïe… Le scénario du comics est déjà des plus basiques, alors si en plus il est amputé de la sauvagerie qui fait son originalité, qu’est-ce que ça va donner à l’écran…
La tâche n’était pas aisée pour Jeff Wadlow, qui prend le relais de Matthew Vaughn, parti s’occuper de la saga X-Men. L’homme a dû faire des choix, forcément discutables.
Premier parti pris : Puisqu’il lui était impossible d’aller trop loin dans la noirceur et la cruauté, il a décidé d’assumer le côté grotesque du récit, de faire du film une sorte de farce assaisonné d’humour noir et de gags trashs. Ce qui nous vaut notamment, une scène scato-antho-logique où un petit gadget de l’arsenal de Big Daddy provoque quelques soucis gastro-entérologiques à de jeunes pimbêches. A côté des geysers de gerbe blanchâtre que les gamines sortent de leurs bouches, les dégueulis maousse de Linda Blair dans L’Exorciste ressemblent à d’aimables rototos. Et on ne parle même pas de ce qui sort de derrière… Amis de la poésie, bonsoir… Les amateurs de raffinement et d’élégance seront outrés, mais les geeks biberonnés aux films des frères Farrely ou de Judd Apatow trouveront sans doute cela très rigolo.
Second parti-pris : mettre le fadasse Kick-Ass de côté et remettre la charismatique Hit-Girl au centre de l’action.Pour ce faire, il alterne la trame de la BD “Kick-Ass 2” avec celle du spin-off dédié à la demoiselle (2). On découvre donc, en parallèle des aventures de Kick-Ass, les difficultés de la jeune Mindy Macready à se fondre dans le moule de la petite fille modèle, après avoir été entraînée pendant toute son enfance à devenir une machine de guerre. Difficile de se passionner pour Justin Bieber quand on a eu pour idoles Batman et Chuck Norris, et difficile de jouer avec les poupées barbantes quand on a l’habitude de manier sabres et pistolets mitrailleurs…
L’avantage du dispositif, c’est qu’il fait plus que meubler l’intrigue principale, trop rudimentaire. L’inconvénient, c’est qu’il hache considérablement le rythme. Pour que cela fonctionne, il aurait fallu un chef monteur de génie. Ce que n’est pas Eddie Hamilton, malgré tout le respect qu’on peut avoir pour sa carrière.
Mais évidemment, ce découpage ne dure qu’environ la moitié du film. Mindy ne tarde pas à enfiler de nouveau le costume de Hit-Girl pour donner un coup de main à son pote Kick-Ass et à mettre une raclée aux psychopathes qui veulent faire main basse sur la ville.
Ceux qui n’aiment pas le personnage sont prévenus : c’est elle qui met l’ambiance pendant tout le film.
Nous, on est plutôt fans du personnage et de l’interprétation qu’en donne Chloë Grace Moretz. Grâce à elle, Kick-Ass 2 est un spectacle assez jubilatoire. Crétin, d’accord, et même grotesque par moments, mais mené à un train d’enfer et riche en morceaux de bravoure enthousiasmants. Et c’est bien cela le principal pour un blockbuster ayant pour héros des illuminés en collants…
Après, on peut bien sûr nourrir quelques regrets quant aux différences entre le film, très “fun” et potache, et le comics, plus sombre et plus violent. Si troisième volet cinématographique il y a, il sera sans doute beaucoup plus noir, Mark Millar ayant affirmé vouloir mettre un terme définitif aux aventures de son héros, avec ce que cela implique comme dimension tragique…
Inversement, certains fustigeront peut-être ce qu’ils considèrent comme une apologie de l’autodéfense et de la justice expéditive. Il y a effectivement une polémique autour du film, née après que Jim Carrey, qui incarne – plutôt bien – le Colonel Stars & Stripes à l’écran, a renoncé à faire la promotion du film, le jugeant trop violent. La fusillade de Sandy Hooks, énième massacre perpétré par un fanatique des armes à feu, est passée par là, et l’acteur refuse désormais d’être associé à un film jouant sur la fascination de la violence. C’est son droit, comme c’est le droit de tout un chacun de ne pas adhérer au propos développé par Mark Millar et les scénaristes des deux films.
Maintenant, il faut quand même bien comprendre que le créateur de Kick-Ass entend démontrer, justement, que les super-héros n’existent pas dans la vraie vie, et que ceux qui s’amusent à faire la justice eux-mêmes doivent assumer les conséquences de leurs actes. Il y a une certaine morale à cette histoire… Il est vrai qu’elle est moins prégnante dans le film. Mais celui-ci, comme dit plus haut, est conçu comme une farce. Pas comme un film réaliste du style Le Justicier dans la ville.
A écouter certains, on peut tout de suite arrêter les films et les comics de super-héros, parce que Batman, Punisher et consorts, c’est le même principe. Un héros qui et un film de super-héros, moins crédible et moins réaliste…
Bref, il est clair que Kick-Ass 2 ne plaira pas à tout le monde.
Ceux qui avaient détesté le premier opus n’aimeront pas plus celui-ci. Et ceux qui avaient aimé se diviseront en plusieurs catégories, des enthousiastes aux déçus, suivant le rapport qu’ils ont aux personnages et aux comics originaux, et en fonction de leurs attentes.
Pour nous, il convient de prendre Kick-Ass 2 comme un pur divertissement. Un grand spectacle truffé de violence et d’humour trash, qui ne fait pas dans la dentelle, mais qui procure quand même une bonne dose de sensations fortes et de franche rigolade. Et puis, pour les fans de Hit-Girl, c’est du plaisir en barres…
(1) : « Kick-Ass 2″ – 2 vol. – de Mark Millar – éd. Panini
(2) : « Hit-Girl » de Mark Millar – éd. Panini
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Kick-Ass 2
Kick-Ass 2
Réalisateur : Jeff Wadlow
Avec : Aaron Taylor-Johnson, Chloë Grace Moretz, Christopher Mintz-Plasse, Jim Carrey, John Leguizamo
Origine : Etats-Unis
Genre : Hit-Girl forever
Durée : 1h43
Date de sortie France : 21/08/2013
Note pour ce film : ●●●●○○
Contrepoint critique : Filmosphère
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