Steve Jobs était indéniablement un génie et son histoire méritait évidemment un biopic. Hélas ce Jobs n’est pas vraiment à la hauteur de l’homme et de sa créativité.
Cela fait presque 2 ans que Steve Jobs, patron de l’une des entreprises qui a révolutionné la technologie, nous a quitté. Quoi que l’on pense d’Apple, de ses méthodes marketing ou de l’homme, impossible de nier qu’il a changé beaucoup de choses dans le quotidien technologique durant ces 30 dernières années. Il était donc naturel qu’un film lui soit tôt ou tard consacré afin de mettre dans la lumière les zones d’ombres mais aussi les succès de ce génie qui pourrait alors inspirer d’autres personnes à devenir aussi créatives pour changer le monde.
Inutile de le préciser, raconter le destin de Steve Jobs depuis ses années de fac où il cherche sa vocation jusqu’au retour du fils prodigue dans une boite en pleine faillite en passant par la création du premier Apple avec son co-fondateur Steve Wozniak, le lancement de Macintosh et quelques problèmes personnels se révèle assez intéressant pour mieux comprendre l’homme mais il est dommage que cela n’aille pas beaucoup plus loin. En effet, le réalisateur reste régulièrement en surface des événements, ne cherche jamais à les approfondir ou à apporter un point de vue plus personnel qui aurait donné plus d’aspérité au film. Du coup, ici tout reste lisse et mêmes lorsque l’on parle de drogue, de ses problèmes rationnels avec son entourage proche ou professionnels, on passe rapidement à autre chose, comme si on cherchait à évacuer rapidement les défauts du personnage pour se concentrer sur ce qu’il a construit.
En fait, sans être non plus l’hagiographie que l’on redoutait, Jobs se regarde surtout comme un album photo où l’on retrouve la maison familiale, a première convention pour votre un ordinateur Apple,… beaucoup de première fois notées dans un calepin avec un brin de nostalgie mais seulement des souvenirs que l’on parcoure sans y prêter finalement beaucoup d’importance. Alors que le sujet, à l’image de Steve Jobs, demandait beaucoup plus de dynamisme et de créativité. Lorsque David Fincher parlait de Mark Zuckerberg dans the Social Network, il n’hésitait pas à bousculer son personnage et à emmener le film sur des sentiers inattendus avec de vrais risques plastiques et narratifs. Ici Joshua Michael Stern nous gratifie d’une simple balade dans les bois et les couloirs d’Apple aux côté de Steve Jobs sur fond de Bob Dylan, c’est plaisant comme un bon téléfilm mais jamais intense ni mémorable.
On ne pourra par contre pas en vouloir à Ashton Kutcher dont a ressemblance physique avec Steve Jobs est évidemment frappante mais surtout qui livre sans doute sa meilleure performance d’acteur depuis l’Effet Papillon. Tout en retenue, il montre bien que Jobs est un personnage qui intériorise pas mal de choses et qui veut laisser une grande part la créativité pour mettre la machine au service de l’homme. Il fait de la place au génie mais il semble tout de même parqué par un réalisateur qui n’ose pas emmener son personnages vers le terrain de la grandiloquence. Steve Jobs semble ici pieds et poings liés et son génie peine parfois à éclore dans un film trop étroit pour ce qu’il représente.
Cette idée est d’autant plus frappante que le film évacue des pans entiers de sa vie qui auraient été particulièrement intéressants. Ainsi, la période se si tuant entre son départ et son retour est rapidement évacuée par quelques scènes de jardinage (à croire que pendant 10 ans il n’a fait que planter des choux) et surtout, le film se termine au moment où tout ne fait que commencer, lorsque Steve Jobs redonne un coup de fouet technique et créatif à l’entreprise et s’apprête à la remettre sur les rails du succès, nous laissant curieusement sur notre faim après pourtant 2 heures de film qui se sont écoulées.
Jobs est donc un biopic plutôt frustrant car il est intéressant et nous permet d’aborder l’un des personnages qui a le plus façonné notre monde ces dernières années mais reste très lisse et en surface des choses, manquant régulièrement l’essentiel pour faire un portrait complet et un film aussi enivrant que le génie de son sujet. C’est bien dommage.