Il n’y a jamais eu que Disney dans le cinéma d’animation américain. Dans les années 80 et 90, il fallait aussi compter sur Don Bluth. Retour sur son premier film : Brisby et le Secret de NIMH !
Dès le début des années 80, les Studios Disney, alors véritable institution de l’animation américaine, commence à sentir le vent tourner. L’un de ses talents, Don Bluth, qui y travaille depuis ses débuts d’animateur sur la Belle au Bois Dormant mais qui a aussi officié sur Robin des Bois ou Bernard et Bianca a des volontés d’indépendance. Après plusieurs essais plutôt fructueux en solo sur des courts-métrage, il se lance avec l’un de ses associés dans la constitution de sa société de production afin de réaliser son premier long-métrage : Brisby et le Secret de NIMH.
En effet, l’histoire est beaucoup trop sombre pour les studios de Disney à l’époque et, si il veut mettre en chantier ce récit qui lui tient à coeur, il n’a d’autre choix que de se lancer en indépendant. Il claque alors la porte et embarque avec lui d’autres personnes de chez Disney se trouvant dans le même état d’esprit, ce qui contraint la firme aux oreilles de Mickey à retarder la sortie de Rox et Roucky (sur lequel travaillait d’ailleurs un certain Tim Burton). Adapté du roman de Robert C. O’Brien, Mrs. Frisby and the Rats of NIMH, le film raconte comment une jeune souris veuve va tenter par tous les moyens de venir au secours de son fils malade alors que la ferme à proximité menace de détruire leur maison. Elle va alors s’embarquer dans une sombre aventure qui la mènera à demander de l’aide aux rats.
La première chose qui va frapper lorsque l’on regarde Brisby, c’est sa noirceur, loin des standards Disney de l’époque. Du grand hibou aux rats en passant au chat « Dragon» , les menaces ne meurent pas et même les plus amicaux on un aspect toujours menaçant, impressionnant pour les enfants qui vont alors pouvoir affronter leurs peurs face à ce film. Et au delà du dessins où les ombres sont omniprésentes, l’histoire elle-même se révèle assez sombre.
Rien que par le fait d’avoir une héroïne veuve et mère de famille, le film sort de l’ordinaire mais on peut ajouter également l’historique des rats qui ont subit des expériences pour les rendre plus intelligents ou la menace d’un foyer détruit et on obtient alors une histoire qui change des princesses et princes charmants ou autres gags auxquels nous étions habitués. Il y a bien la corneille Jeremy qui apporte une touche d’humour avec des gags parfois redondants, mais cela ne nous sort jamais de l’ambiance étrange dans laquelle nous sommes plongés.
D’un autre côté, cette histoire sombre rappelle tout de même les origines des histoires de Disney. Blanche-Neige, Dumbo ou Bambi étaient aussi des histoires sombres avec des héros orphelins. Il y a donc de cela dans Brisby, mais portée avec une étrange poésie supplémentaire. Entre science et fantasy, le récit est aussi l’histoire profondément humaine d’une mère prête à tous les sacrifices pour les besoins de sa famille et d’une veuve qui va alors poursuivre l’œuvre de son mari. Bien plus adulte que bon nombre de films d’animation, on est sans arrêt surpris par les différents degrés de lecture et messages riches qui traversent le film.
Avec un budget moindre (qui n’a pas forcément impacté l’animation du film qui a très peu vieilli) et sans bénéficier de la « marque» Disney, le film ne sera pas un grand succès public à sa sortie en 1982 et le studio naissant se retrouve alors en faillite. Toutefois, il peut tout de même s’enorgueillir d’un très beau succès critique etd’un bon bouche-à-oreille qui lui offrira une belle carrière en vidéo auprès des connaisseurs. Mais surtout, en découvrant ce film, Steven Spielberg décide de faire de Don Bluth l’un de ses poulains et les deux auteurs vont alors travailler sur Fievel et le nouveau monde qui sera lui un beau succès et mettra alors en danger l’hégémonie d’un studio Disney agonisant avant de connaitre sa renaissance avec la Petite Sirène. Mine de rien, Don Bluth a alors montré, bien avant l’arrivée de Dreamworks, qu’il était possible de rivaliser avec Disney.