Gibraltar [Critique]

Gibraltar-Critique-Gilles-Lellouche

"« Toujours mentir. Jamais trahir. » 
Afin de mettre sa famille à l’abri du besoin, Marc Duval, un français expatrié à Gibraltar, devient agent d’infiltration pour le compte des douanes françaises. 
De petits trafics en cargaisons troubles, il gagne progressivement la confiance de Claudio Lanfredi, un puissant importateur de cocaïne associé aux cartels Colombiens. Cette immersion en eau profonde dans l’univers des narcotrafiquants lui fait courir des risques de plus en plus importants. Mais à mesure que Marc gravit les échelons du cartel, il découvre aussi le luxe et l’argent facile… En permanence sur le fil du rasoir, seuls ses mensonges le maintiennent encore en vie. Lorsque les douanes anglaises rentrent dans la partie pour arrêter Lanfredi, le jeu devient encore plus dangereux et sa famille risque d’en payer le prix."

Julien Leclerq est un réalisateur français qui n’en est pas à son premier coup d’essai. Après un intriguant, mais décevant film qui se nommait L’Assault, voici qu’il revient en force avec un film policier sur fond de trafic de drogue international. Adapté de l’histoire vraie de Marc Fiévet, publiée sous le titre "L’Aviseur", Gibraltar nous conte donc les aventures de Marc qui va se retrouver plonger du jour au lendemain dans le trafic de drogue. Après un teaser assez réussi, puis une campagne marketing assez astucieuse, car assez maigre afin de faire naître la curiosité chez le spectateur, est-ce que le film réussi au moins à tenir le spectateur éveillé durant ses 1h50 ? Un bon film policier ou un nouveau navet français qui essayent de faire des films américains ?

Gibraltar-Critique-Cinéma-Gilles-Lellouche-Image"Gibraltar est un film assez intéressant dans le fond comme sur la forme, car il est naturel et nous raconte une histoire à la fois réaliste et surréaliste."

Quand on voit les affiches promotionnelles du film Gibraltar, on pense directement à celles qui avaient été utilisées pour le film Argo, réalisé par Ben Affleck. Bien entendu, les films n’ont absolument rien à voir, à part une chose et pas des moindres : leurs qualités visuelles. Même si Argo est qualifiable de monument concernant sa réalisation le film utilise un filtre spécial afin de rendre l’image vieillissante. Ce léger filtre sépia est retrouvable de bien belle manière dans Gibraltar afin que le spectateur comprenne directement qu’il est dans quelque chose de romancé et qui se déroule plusieurs années en arrière. Visuellement parlant, Julien Leclercq nous offre un film qui est maîtrisé et on sent qu’il est en pleine possession de ses caméras et qu’il sait s’en servir. Astucieusement, la première demi-heure va être essentiellement composé de gros plans sur le visage des acteurs et plus particulièrement sur Gilles Lellouche afin de nous faire comprendre ses états d’esprit pour que l’immersion soit totale. Au fur et à mesure de l’avancement, la caméra va prendre du recul, tel le personnage principal qui lui va pleinement rentré dans le monde du trafic de drogue sans pour autant savoir dans quoi il entre. Le bourbier dans lequel il a mis les pieds, est représenté par des cadrages très larges, une luminosité beaucoup plus prononcée, ainsi que des personnages secondaires qui vivent et peuvent respirer alors qu’auparavant ils étaient dans l’ombre du personnage principal. En totale opposition avec ce que nous conte le scénario, Julien Leclercq se sert de sa réalisation pour raconter quelque chose que le scénario ne peut se permettre de raconter.

Assez suffocante et oppressante, la première demi-heure du film est une présentation des personnages et une immersion dans une ambiance à laquelle on ne s’attendait pas. Cette ambiance et ces sentiments vont s’estomper petit à petit, mais prendre par surprise le spectateur est une bonne chose, car ça lui permet d’entrer en symbiose avec le personnage principal et de réagir sur ces actions et/ou choix. À partir du moment où le spectateur est plongé dans l’époque présentée, le scénario va pouvoir se développer autour des choix que va prendre Marc Duval. Le scénario est assez bien écrit, car c’est dans ses défauts qu’il va nous faire réagir et nous faire comprendre que les défauts de ce scénario ne sont autres que sa prévisibilité et sa naïveté. S’il est prévisible, c’est parce que Marc effectue des choix humains et compréhensibles. Ensuite, le scénario s’avère naïf dans l’écriture du personnage principal, car il s’agit d’un homme et lorsqu’il est en position de faiblesse, mais qu’il ne veut pas le montrer, un homme est naïf et souhaite croire que tout est encore possible alors qu’au fond de lui-même il n’y croît même plus. La grande force du scénario de ce film est son plus gros défaut : il est réaliste et naturel. Il nous fait comprendre des choses sur l’aspect politique qui se cache derrière les trafics de drogue, mais également sur les humains qui en sont responsables qu’ils soient côté cartel ou côté police.

Gibraltar-Critique-Gilles-Lellouche-Image"La grande force du scénario de ce film est son plus gros défaut : il est réaliste et naturel."

Gibraltar est un film assez intéressant dans le fond comme sur la forme, car il est naturel et nous raconte une histoire à la fois réaliste et surréaliste. Malgré tout, le film possède plusieurs problèmes au niveau du montage, avec notamment quelques longueurs et des transitions mal découpées, mais il faut lui reconnaître une chose : il prend son temps pour nous expliquer les situations en détail pour éviter toute ambiguïté. Afin d’être en parfaite cohérence avec le scénario et le rythme imposé par le réalisateur, il a fallût que les acteurs s’adaptent et adaptent leur jeu respectif. Gilles Lellouche s’en sort avec les honneurs puisqu’ils nous livrent une excellente prestation. À la fois humain et touchant d’un bout à l’autre contrairement à Tahar Rahim est qui passif du début à la fin. Assez en retrait, c’est avec nonchalance et aucune sincérité qu’il débite ses dialogues et n’arrive pas à nous convaincre. Côté actrice, on retiendra une belle prestation de Mélanie Bernier, qui est avenante et sincère comme à son habitude. Raphaëlle Agogué est présente, mais son personnage étant perdu dans ses pensées, elle ne peut nous offrir un jeu digne de ce nom. Un casting qui est bon et porté par un excellent acteur malgré un Tahar Rahim complètement absent.

Assez attendu, Gibraltar ne déçoit pas plus qu’il ne surprenant. Malgré quelques problèmes du coté du casting avec notamment un Tahar Rahim pas du tout à sa place et une Rapaëlle Agogué en retrait ou encore des soucis de montage, on est en face d’un film policier des plus réussi. Grâce à une réalisation maîtrisée et qui nous parle dans la première demi-heure, Julien Leclercq arrive à raconté une histoire et à ce prononcé sur l’état psychologique de Marc Duval alors que le scénario lui pourra gagner en ampleur telle la réalisation gagnera en largeur une fois la première demi-heure écoulée. La seconde partie du film est également intéressante, car le spectateur étant immergé aux côtés de Marc Duval, il peut être gagné par une certaine pression puisqu’il se pose beaucoup de questions concernant les choix qui s’offrent à lui. Très psychologique, le film se sert du trafic de drogue pour nous conter l’histoire d’un homme (qui pourrait être vous ou moi) qui c’est embourber dans un engrenage infernal dont il ne sortira pas indemne. Le tout est servi par une belle ambiance sonore comme visuelle qui permettent une immersion garantie.

3.5