A l’occasion de la ressortie de la Belle et la Bête de Jean Cocteau dans une version magnifiquement restaurée, il était naturel de revenir l’un des plus beau contes mis en image.
Artistes aux talents multiples (auteur de romans, poèmes, de théâtre, de ballets, dessinateur, scénariste, réalisateur, musicien, …), Jean Cocteau a choisi de s’approprier le conte de la Belle et la Bête (dans la version écrite par Jeanne-Marie Leprince de Beaumont) après la seconde guerre mondiale. Mais la conception du film sera compliquée, non seulement en raison de l’état de santé du réalisateur mais aussi à cause des nombreux problèmes de production qu’il pouvait rencontrer (approvisionnement en pellicule et en électricité). Toutefois, il s’entoure d’une équipe d’artistes qui collaboreront avec talent au film, des costumes de la maison Paquin aux décors de Christian Bérard en passant par la photographie lumineuse d’Henri Alekan.
Pour son adaptation du célèbre conte, l’histoire légendaire de cet amour naissant entre une belle prisonnière d’une bête qui se révélera être un prince, Cocteau se révèle en véritable poète des mots et de l’image, magnifiant chaque plan du domaine de la Bête pour en faire un lieu à la magie sombre. Un magnifique ralenti, une Belle qui glisse sur le sol comme un esprit, des chandeliers qui s’allument, des visages qui s’animent discrètement, des effets de téléportation et de transformation, voilà tous les ingrédients qui permettent au réalisateur de nous immerger dans un monde surnaturel et envoutant.
Si il s’approprie le conte en y apportant une fin différente mais aussi en y ajoutant les méchantes sœurs de Cendrillon, il va par contre nous offrir une vision particulièrement touchante de la Bête. Dans ce rôle, Jean Marais (qui joue également le prétendant et le prince) révèle toute la vulnérabilité du personnage, pris entre l’animal qu’il est, les sentiments qu’il a pour la Belle et la malédiction dont il est atteint. Et malgré l’imposant et superbe maquillage (qui nécessitait 5 heures de pose), il arrive à faire transparaitre toutes les émotions pour rendre le montre particulièrement attachant, si bien que l’on regrette finalement sa transformation en prince avec collants.
Face à lui, la Belle incarnée par Josette Day se révèle évidemment plus lisse et entre bien dans le cliché de la gentille jeune fille qui va finalement s’épanouir et tomber amoureuse de l’animal mais son combat reste assez noble pour suivre ses sentiments (même si cela s’apparente tout de même au syndrome de Stockholm).
Évidemment, depuis 1946, certains effets ont un peu vieilli et le discours peut paraitre légèrement niais, mais tout cela participe bien à la magie intacte du film qui, au milieu du réalisme ambiant affichait clairement son envie de se démarquer par un touche fantaisiste et poétique bienvenue dans la France libérée. Au fond, dès le générique qui nous rappelle à l’enfance, Cocteau nous place dans les conditions idéales pour retrouver notre part d’innocence et de rêve pour apprécier toute la magie de la Belle et la Bête et, en tant qu’adulte, d’en apprécier également toute la beauté de la mise en scène remplie d’idées visuelles audacieuses.
A sa sortie, le film est un véritable succès public, donnant alors à Jean Cocteau et Jean Marais toute la poplarité qu’on leur connait aujourd’hui et le film récompensé par le prix Louis Delluc restera d’ailleurs comme l’une des plus belles adaptations de conte au cinéma.