Depuis plusieurs années maintenant, on ne cesse de se plaindre du manque de créativité total d’Hollywood pour les blockbusters et il n’y a qu’à regarder le planning de 2015 pour s’en rendre compte. Suites à tout va, adaptations de grosses licences (jouets, livres, séries, comics, jeux vidéos, …), remakes honteux de nos films de jeunesse favoris, … C’est très clair, le marketing a remplacé l’art et il n’y a plus que le cinéma indépendant US ou les séries TV (et encore, celle-ci commencent aussi à surfer sur des licences) pour développer un peu de créativité.
D’ailleurs de nombreux grands réalisateurs cherchent maintenant d’autres moyens de s’exprimer, quitte à avoir moins de budget, en s’éloignant des gros studios qui ne cherchent qu’à engranger qu’un max d’argent avec des projets diablement couteux (ils auraient tort de s’en priver puisque jamais l’industrie du cinéma n’a autant rapporté) qui ne laissent aucune place pour les films au budget moyen mais tout aussi sympathiques. C’est une situation que déplorent les critiques et les cinéphiles comme les professionnels (cette interview tout comme les propos de Steven Spielberg annonçant la fin du système sont d’ailleurs bien représentatif de l’état d’esprit actuel).
Pour autant, malgré tout les travers de cette situation après laquelle nous sommes les premiers à pester, il serait dommage de ne pas déceler derrière ce mur de marketing et de pompe à fric les réalisateurs qui peuvent encore jouir d’une certaine liberté artistique sur les blockbusters et quand ce n’est pas le cas, il arrivent tout de même à adapter les licences à leurs envies. Voilà donc une petite liste ces réalisateurs que l’on continuera à suivre.
Les vieux !
Comme on dit, c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures confitures. Inutile de s’étonner que ce soient des réalisateurs qui avaient réinvité Hollywood qui soient les plus aptes à toujours y apporter leur contribution. Steven Spielberg est ainsi le seul à pouvoir autant surfer sur la nostalgie (Cheval de Guerre) ou l’académisme (Lincoln - qui aurait été fait pour HBO si Spielberg n’y était pas attaché) que sur l’innovation totale pour un divertissement sous licence, certes, mais totalement honnête et efficace (Tintin). Mais même le maitre s’est vu repoussé sine die son Robopocalypse.
Et puis il y a James Cameron, l’auteur des 2 plus gros succès de tous les temps sur lesquels personne ne misait au départ. Avatar devient maintenant une franchise, mais il ne faut pas oublier qu’il a lui-même créé cet univers de toute pièce et la technologie qui l’accompagne.
A ses côtés, Martin Scorsese fait son bonhomme de chemin avec toujours le même amour du cinéma (Hugo Cabret, aussi nostalgique que techniquement à la pointe). Sans oublier ce bon vieux briscard de Ridley Scott ! On aura beaucoup décrier tout ce que l’on veut sur le scénario de Prometheus, impossible de nier sa perfection technique et l’attrait de l’univers et des questions posées. Si Cartel devrait attirer moins de monde, il faudra surveiller de près son Exodus. De même pour Ron Howard qui surprend avec Rush et montre qu’il en a encore sous le coude et pourrait peut-être s’approprier la légende du Pistolero avec l’adaptation de la Tour Sombre de Stephen King.
Les nouveaux créateurs d’univers
Avec le Seigneur des Anneaux, King Kong et le Hobbit, Peter Jackson se base peut-être sur des licences mais réalise des films qui lui ressemblent parfaitement, pour le plus grand plaisir des fans et nous permettent d’apprécier de véritables univers fantastiques foisonnants. A côté de lui, si il s’est complètement approprié Hellboy, Guillermo Del Toro a aussi créé son propre univers avec Pacific Rim. Et malgré le petit score aux États-Unis, le film a très bien fonctionné sur le marché international, preuve que faire un blockbuster original et sincère peut attirer du monde.
On pourra par contre déplorer ce que devient Sam Raimi qui, après avoir livré sa version personnelle de Spider-Man est revenu sous un teinte trop « disney» avec le Monde Fantastique d’Oz mais qui projette surtout de s’embourber dans son univers d’Evil Dead et de son remake. Par contre, il faudra suivre de près l’ancien architecte Joseph Kosinski qui, après avoir réactualisé la licence Tron, a tenté de créer un véritable univers avec Oblivion. Si le scénario n’était pas à la hauteur, la capacité technique et la volonté de bien faire sont là.
Ajoutez à ceux-là les Waschowski, créateurs de Matrix qui ont livré avec Cloud Atlas l’un des plus beaucoup et fascinants films de ces derniers temps (malgré son insuccès) et nous donnent rendez-vous l’année prochaine avec un nouveau projet issu de leur imagination : Jupiter Ascending.
Et si l’on suivait Alfonso Cuaron depuis un certain temps, il confirme avec Gravity qu’il est bien l’un des plus grands réalisateurs actuels, maitrisant à la fois la technique, le récit et les personnage. Après tout, il nous avait déjà offert l’un des meilleurs films des années 2000 avec les Fils de l’Homme et était le réalisateur qui s’était parfaitement approprié Harry Potter, inutile de dire que l’on a hâte de voir ce qu’il va nous proposer ensuite.
Les nouveaux rois ?
Il s’est complètement approprié la licence Batman en nous proposant sa propre vision en accord avec le reste de sa filmographie mais il avait aussi fait ses preuves en terme d’originalité avec Memento et Inception (son meilleur film, le Prestige, étant lui une adaptation). Aujourd’hui, Christopher Nolan est presque le seul réalisateur à pouvoir faire ce qu’il veut à Hollywood, avec le soutien de Warner. En espérant que cela se confirme avec Interstellar l’année prochaine.
Son complice sur Man of Steel, Zack Snyder, n’est pas non plus exempt d’originalité et si jusque là il s’est surtout contenté d’adapter des comics, il montre une véritable patte graphique et il ne faut pas oublier que son Sucker Punch, bien qu’injustement ignoré et moqué, est un pari audacieux montrant qu’il peut être un auteur avec un grand potentiel.
Dans l’écurie Warner (qui est sans doute l’un des seuls grand studios à chouchouter certains de ses réalisateurs) avec Ben Affleck qui, après les excellentes adaptations de Gone Baby Gone, the Town et Argo montre qu’il pourrait bien devenir l’un des meilleurs réalisateurs de polar. A suivre.
D’un autre côté, on évacuera rapidement le cas de JJ Abrams qui ne fait que dans la licence (Mission Impossible, Star Trek, Star Wars) quand il ne rend pas d’hommage (Super 8). Par contre, on s’étendra plus facilement sur Bryan Singer qui s’approprie comme personne l’univers des X-Men (aucun autre réalisateur qui s’y est attaqué n’a réussi à comprendre ces héros). Si il n’a pas encore fait le film qui l’identifiera clairement, il possède la maitrise, la sincérité et la volonté. A ses côtés, son compère scénariste Christopher McQuarrie choisit pour le prochain Mission : Impossible à montré une véritable personnalité en adaptant Jack Reacher. Toujours en parlant de la saga Mission : Impossible, citons évidemment Brad Bird qui en a réalisé le meilleur épisode. Mais encore mieux, l’ancien de l’écurie Pixar est un véritable auteur (le Géant de Fer, les Indestructibles, Ratatouille portent une patte bien personnelle) qui pourrait bien s’approprier le mythe Disney comme personne dans le prochain Tomorrowland.
Enfin, il y a le cas spécifique de Joss Whedon. Celui qui a connu bien des galères et qui a encore à apprendre sur la mise en scène avec le système mais a toujours eu le soutien de ses fans a enfin conquis le grand public avec Avengers et se retrouve être un rouage important de Marvel (supervision des franchises, Avengers 2, Agents of SHIELD). Mais à côté, il montre sa volonté de faire des petits films comme son adaptation très personnelle, osée et familiale de Beaucoup de Bruit pour rien de Shakespeare. Une fois le contrat Marvel terminé, quelles seront ses envies ? Gros point d’interrogation.
Par contre, on déplorera le sort que les studios ont réservé à l’enfant terrible David Fincher. Le réalisateur parfois visionnaire n’a pas rempli ses objectifs en adaptant Millenium et s’est vu refuser son adaptation de 1000 Lieues sous les Mers. Mais on ne perd pas espoir pour le réalisateur culte de toute une génération.
Les petits protégés
Les créateurs d’univers et probables nouveaux rois du box-office préparent déjà la relève avec des réalisateurs qu’ils ont pu repérer et qu’ils mettent sur de bons rails dès leurs premiers films. Le plus représentatif est Neill Blomkamp que Peter Jackson a aidé avec District 9. Cette année, il a confirmé tout le bien que l’on pense de lui avec Elysium. Maitrise du budget, une réflexion coup de point, scénario originale et savoir-faire technique, on suivra avec d’autant plus d’attention son prochain film de SF déjà annoncé pour 2015, toujours licence.
A ses côtés, il y a Matt Reeves, ancien protégé de J.J. Abrams avec qui il avait travaillé sur Cloverfield. Avec un remake potable de Morse (Laisse-moi entrer) et maintenant la suite des origines de la Planète des Singes, il pourrait très bien devenir l’un de ces honnêtes artisans d’Hollywood qui offrent des films qui ne sont pas révolutionnaires mais restent de bonne qualité, sans autre prétentions. Tout comme Andres Muschietti, le réalisateur de Mama qui a fait un carton et qui a été soutenu par Guillermo Del Toro et se voit maintenant proposer de relancer la Momie chez Universal.
Enfin, protégé de Joss Whedon avec qui il a collaboré sur ses séries mais aussi sur la Cabane dans les Bois, Drew Goddard ne manque pas d’idée et pourrait peut-être faire parler de lui à l’avenir, peut-être chez Marvel ?
Animation, la fin de Disney Pixar ?
Pixar s’embourbe dans ses franchises Cars, Némo, Monstres & Cie (malgré les projets audacieux Good Dinosaur et Inside Out retardés) et Disney ne fait plus dans l’animation traditionnelle ? En face, le concurrent Dreamworks qui s’endormait sur les succès de Shrek s’est réveillé et à livré Dragons, les Cinq Légendes et les Croods en montrant qu’il était capable de largement rivaliser en termes techniques, créatifs et émotionnels. A côté de ces 2 poids lourds, Illumination et les frenchies à l’origines des minions de Moi, Moche et Méchant pourraient nous réserver quelques surprises mais le studio que l’on attend au tournant, c’est surtout Laika qui, après l’excellent Paranorman, pourrait bien être l’outsider qu’il faut.
Dans la suite du dossier, on verra qu’il y a d’autres espoirs plus discrets et indépendants ou que les prochains réalisateurs d’Hollywood seront peut-être à l’étranger !