Gravity [Critique]

Par Kevin Halgand @CineCinephile

"Pour sa première expédition à bord d’une navette spatiale, le docteur Ryan Stone, brillante experte en ingénierie médicale, accompagne l’astronaute chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu’il s’agit apparemment d’une banale sortie dans l’espace, une catastrophe se produit. Lorsque la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l’univers. Le silence assourdissant autour d’eux leur indique qu’ils ont perdu tout contact avec la Terre – et la moindre chance d’être sauvés. Peu à peu, ils cèdent à la panique, d’autant plus qu’à chaque respiration, ils consomment un peu plus les quelques réserves d’oxygène qu’il leur reste. Mais c’est peut-être en s’enfonçant plus loin encore dans l’immensité terrifiante de l’espace qu’ils trouveront le moyen de rentrer sur Terre…"

Gravity est un film qui se veut être un "survival" puisque le spectateur va suivre deux personnages qui doivent lutter pour survivre dans un environnement hostile. Sauf que cet environnement est hostile à cause de ce qu’il est : vide de tout. L’espace est un espace vide, dénué de tout et où le silence est roi. L’espace est hostile, car l’homme a été créé pour vivre dans une serre remplie d’oxygène (qu’on appelle l’atmosphère) dans laquelle il a ses repères et peut évolué correctement. Porté sur les métaphores, le scénario de Gravity possède deux lignes de compréhensions bien distinctes. On peut y voir une course contre la montre ou plus précisément contre la mort, mais nous pouvons surtout y voir la représentation de l’anéantissement de l’homme par un environnement afin qu’il puisse renaître et revenir encore plus fort.

À partir du moment où la station spatiale américaine est frappée par une pluie de débris, le spectateur va pouvoir lire entre les lignes pour commencer à faire apparaître les métaphores. On va y voir la naissance, la reconnaissance, la visualisation de notre voix intérieure qui guide nos actes et nos choix. Là où le film a écrit de manière très intelligente par Alfonso Cuaron et son fils Jonas Cuaron, c’est que toutes les métaphores et connotations liées à l’évolution de l’homme sont directement liées à la vie et au passé de Ryan (interprété par Sandra Bullock). Tout ce qui va arriver aux astronautes sera lié au message que souhaitent faire passer les scénaristes, avec notamment une utilisation audacieuse et astucieuse du Syndrome de Kessler. (Afin de ne pas spoilé le film qui est riche en rebondissements, je n’irais pas plus loin sur le scénario). Tout est clair dans le film et accessible au plus grand nombre, là où The Tree of Life ou 2001 L’Odyssée de L’Espace sont assez complexe, car plus profond dans la réflexion sur le sens de la vie.

Si les différentes couches du scénario sont aussi claires, c’est grâce à de nombreux techniciens ainsi qu’à un metteur en scène de génie. Alfonso Cuaron a réalisé avec Gravity le film spatial le plus impressionnant qu’il nous a été donné de voir. Absolument magistral, il nous offre des tableaux qui racontent chacun une histoire. Fluide et élastique tel un objet flottant dans l’espace, le spectateur passe d’un point de vue global à un point de vue à la première personne grâce à une réalisation majestueuse et minimaliste. Avec une introduction de 17 minutes qui n’est autres qu’un unique plan-séquence, ce dernier permet aux spectateurs de s’immerger pleinement dans l’espace avec les astronautes et de comprendre ce qu’il va vivre durant prêt d’une heure et demie. Composé de seulement 126 plans, le film est un véritable régal de fluidité et de réalisation. Bluffant de par sa technique, la Light Box (boîte de 6 mètres sur 3 qui comporte 4096 leds disposés sur des plaques de métal) inventée par les techniciens du film a portée ses fruits. Cette boîte a permis  aux techniciens de créer les effets lumineux de leur choix sur les acteurs et chaque parcelle de lumière, chaque réverbération est absolument magnifique. Ça permet au film de gagner en réalisme et aux spectateurs de gagner en immersion.

Porté sur le contemplatif pour mettre en avant des effets visuels somptueux, le metteur en scène joue avec sa caméra et utilise la palette de plans possibles la plus large qui soit afin d’offrir à la fois un sentiment d’oppression, mais également un sentiment de liberté. De ce fait, le spectateur peut très bien prendre du recul pour observer la situation, avant de replonger à l’intérieur du casque de l’un des protagonistes pour angoisser avec lui. Une véritable montagne russe en terme d’émotions et de sensations sans avoir pour autant la moindre sensation de saccade dans un montage qui est réduit à son minimum. Magistral techniquement parlant, en plus d’être une immense gifle esthétique, c’est également une immense gifle sonore. Jouer sur le silence n’est pas simple, mais Alfonso Cuaron l’a fait et grâce à ses techniciens, ils ont réussi à faire en sorte que le silence soit étouffant. Lorsque des débris vont impacter une station spatiale, aucun bruit ne sortira de cet impact, mais le spectateur ressentira tout de même quelque chose juste en entendant le souffle de Ryan qui va s’accélérer. Souffle qui est expiré par une Sandra Bullock qui tient avec ce film le rôle de sa carrière. Absolument divine dans ce rôle, elle nous bouleverse et nous fait sourire pour un rien. À noter la bonne prestation de Georges Clooney qui fait un peu d’auto-dérision sur son image de symbole masculin et nous offre quelques bons moments de rires.

Afin d’insérer un rythme au film et à l’action, Alfonso Cuaron a fait appel à Steven Price et ce dernier lui a composé la bande sonore de sa carrière. Orchestrale à souhait, la bande sonore fait en sorte que le spectateur retienne son souffle jusqu’à l’arrêt de la piste. C’est fort, mais c’est surtout en parfaite cohérence avec les métaphores du scénario signé Alfonso et Jonas Cuaron ainsi qu’avec la réalisation (chaque plan-séquence à son propre timing) et la mise en scène d’Alfonso Cuaron. Tout est parfaitement coordonné et orchestré pour que le spectateur ressente telle émotion à tel moment. C’est un travail de maître, un travail d’orfèvre, une véritable expérience, une œuvre parfaite.