Snowpiercer – Le Transperceneige [Critique]

Par Kevin Halgand @CineCinephile

« 2031. Une nouvelle ère glaciaire. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s’est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d’hommes entraînés par l’un d’eux tente de lutter. Car l’être humain ne changera jamais… »

Réalisateur de l’excellent The Host, film de monstre duquel ressortait une véritable pâte esthétique mélangeant environnements réalistes et effets spéciaux grossiers (dans le bon sens du terme), Bong Joon Ho c’est très rapidement imposé comme étant un réalisateur à suivre de près. Après avoir pris du recul en mettant en scène un drame intimiste nommé Mother, Bong Joon Ho revient à son meilleur niveau avec le cinéma qui a fait de lui un réalisateur confirmé. Snowpiercer est la représentation en belle et due forme cinéma qu’on aime et qui se fait très rare, ce qui nous permet d’apprécier à sa juste valeur ce nouveau long-métrage. Snowpiercer est un film d’anticipation dans lequel les derniers survivants de la planète Terre ont prit refuge dans un train, mais plus qu’un simple film d’anticipation, Snowpiercer est un film magistralement écrit dans lequel les scénaristes effectuent plusieurs critiques. C’est en partant d’une idée toute simple que le scénario prend une ampleur considérable et transporte le spectateur dans une réflexion sur le système politique et sur l’homme en règle général. Dirigée comme on dirigerait un pays à partir duquel il faut reconstruire toute une civilisation, La Machine est dirigée par un homme, son créateur. À partir de ça, les scénaristes ont l’audace et l’intelligence d’effectuer une analyse d’un système politique connu de tous qui est la dictature sauf que le scénario ne s’arrête pas là.

En effet, en sus de cette analyse politique, le spectateur va devoir faire face à toute une société qui vit dans cette Machine. Cette société dirigée par un seul homme est une représentation de notre société actuelle qui est une démocratie. Notre système politique actuel n’est pas comparé à une dictature, mais le scénario est tellement limpide qu’on y perçoit une critique de notre société. Société dans laquelle les riches s’enrichissent alors que les pauvres s’appauvrissent. À partir de ce moment, l’homme veut un changement, mais ce changement doit-il forcément passer par une révolution ? La révolution est-elle la réponse à nos problèmes économiques et politiques ? C’est à cette question que le scénario du film va répondre, tout en faisant une analyse du comportement humain. Véritable bijou d’écriture, c’est un véritable poème que nous livre Bong Joon Ho. Une ode à la nature animale de l’homme et une critique de l’homme à travers son comportement. Filmé comme un personnage à part entière, le Train est la bête en mouvement qui symbolise le comportement de l’homme. Tout est millimétré et tout y est merveilleux. Malgré ces décors étroits et son nombre de personnages assez important à l’écran, Snowpiercer est le film qui nous prouve que les Coréens sont les réalisateurs les plus inventifs et talentueux que l’on a pu voir depuis de très nombreuses années.

C’est avec l’aide de légers, mais superbes plans-séquences (durant lesquels le réalisateur effectue des demi-tours pour imprégner le spectateur dans ces décors)  filmés à hauteur d’épaule que le spectateur va découvrir et prendre place dans les nombreux wagons. « Peu » de plans sont à recenser dans ce film, mais une extrême précision dans le montage fait l’action est rythmé, dynamique et que le scénario est limpide. Pour filmer des scènes d’action d’une telle ampleur, il faut de l’audace et Bong Joon Ho n’en manque pas. C’est majoritairement à l’aide de plans tailles et d’un sens tout particulier de l’esthétique et du bullet-time que les scènes d’actions sont absolument divines. À noter la présence d’un travelling latéral absolument magique qui nous rappelle bien évidemment la fameuse scène de combat du film Old Boy. Tiré d’une bande dessinée française, Snowpiercer en garde l’esthétique pour les plans en extérieur et c’est une belle idée, car le contraste entre l’esthétique extérieure et l’esthétique intérieure du film est vraiment très beau. Une belle gestion de la lumière ainsi qu’un design très soigné dans les décors de chaque wagon font que ces derniers possèdent chacun leur propre identité. En plus d’un scénario épatant, on se retrouve avec une image qui possède des sous-entendus sur chaque classe sociale. Magique ! Le montage précis, la réalisation audacieuse et l’esthétique si particulière font de ce film une oeuvre épatante de justesse et de précision. Le tout est interprété par un casting de très haute qualité dans lesquels on retrouve notamment un Chris Evans qui trouve ici son rôle le plus profond et le plus touchant ainsi qu’une Tilda Swinton terrifiante de sincérité. Un film qui va vous faire oublier l’expérience Gravity à n’en pas douter !