Anima lundi Spécial Bill Plympton

Le troisième lundi de chaque mois, le cinéma parisien “Le Studio des Ursulines” propose, en partenariat avec la SACD, un rendez-vous baptisé Anima Lundi.
Le principe est simple : permettre la rencontre entre les spectateurs et des cinéastes ou des techniciens travaillant dans le domaine de l’animation autour non pas d’un film, mais d’un “work in progress”, un projet en cours de réalisation ou au tout début de sa conception. Ce peut être des lectures de scénarios, la projection de planches de storyboard, de dessins préparatoires, de morceaux de film non-finalisés…, avant de terminer la soirée par un échange avec les artistes, souvent autour d’un verre de l’amitié.
Le tout dans une ambiance conviviale, et pour une somme très modique (3€) en guise de participation aux frais.

Ce lundi 17 juin 2013, c’est un invité de marque qu’a eu l’honneur de présenter Florian Deleporte, le maître des lieux: Bill Plympton.
Meuh non, gros bêta, pas l’ancien président américain – tu confonds avec Bill Clinton.
Non : Bill Plympton, le cartooniste féroce, le génie de l’animation indépendante américaine. L’auteur d’une quarantaine de courts-métrages déjantés tels que  25 ways to quit smoking, How to kiss, Nosehair, Santa : the fascist years, ou encore Your face et Guard dog, tous dex nommés à l’Oscar du meilleur court d’animation. Le cinéaste qui nous a offert des dessins animés aussi remarquables que L’Impitoyable lune de miel, Les mutants de l’espace (tous deux primés à Annecy), Hair High, ou Des idiots et des anges… Le type épatant qui évolue en toute indépendance, en marge du système hollywoodien, privilégiant les techniques “old school”, utilisant le moins possible l’outil informatique. Le fou furieux qui fait de l’animation pour adultes, avec ce qu’il faut de délires visuels, de symboles érotiques et de violence graphique. Et le clown-poète, dont l’univers burlesque très visuel évoque les films de Jacques Tati – à qui il ressemble un peu physiquement, d’ailleurs, avec sa grande taille et son allure dégingandée…
Bref, une légende du cinéma d’animation, ni plus ni moins…

L’ami Plympton est venu nous prodiguer une véritable leçon de cinéma, autour de son nouveau long-métrage, Cheatin, en préparation depuis cinq ans et en cours de finalisation, pour une sortie prévue courant 2014, après la tournée des festivals du monde entier (Venise? Toronto?).
Il a raconté sommairement le pitch du film :  Une histoire d’amour fou qui commence par un coup de foudre mais qui vire à l’aigre quand viennent s’insinuer les soupçons d’infidélité, la jalousie, le désespoir et la haine.
Pour écrire ce scénario, le cinéaste s’est librement inspiré des romans noirs de James M. Cain, auteur à qui l’on doit, entre autres, les intrigues d’Assurance sur la mort, Mildred Pierce ou Le Facteur sonne toujours deux fois.

Bill Plympton a ensuite présenté ses personnages principaux. Mieux : il les a dessiné en direct, sur un grand paperboard, dévoilant au passage un peu de ses processus créatifs, de ses techniques de dessin et de ce qui fait la particularité de son style, inimitable.

Ella, son héroïne, se distingue par son grand chapeau, très chic, sa petite bouche sensuelle et son allure élancée, que l’artiste crée avec une économie de coups de crayon.

L’homme de l’histoire, Jake, a une grosse tête, un nez de boxeur proéminent, des muscles saillants mais de toutes petites épaules et de larges aisselles – une des bizarreries qu’affectionne Bill Plympton – des pectoraux très développés, à faire pâlir de jalousie le Stallone période “gonflette”, et une ceinture abdominale minimaliste. On dirait presque un dessin raté. Mais cette imperfection, l’artiste la revendique. C’est parce que son trait n’est pas totalement pur, pas totalement parfait, qu’il est intéressant. C’est ce qui fait son charme, contrairement à toutes ces images de synthèse très lisses qu’utilisent les studios d’animation hollywoodiens aujourd’hui. Le cinéaste avoue d’ailleurs ne pas être un grand fan des productions Pixar ou Disney. S’il apprécie le design des personnages et la qualité de certains scénarios, il déplore le manque de personnalité artistique de ces projets, qui portent plus la marque d’un studio que d’un véritable artiste.

Le dernier personnage esquissé est une femme qu’il appelle “The floozy one”. La “salope”, en français. Ou, pour rester poli, la femme fatale de l’histoire, celle qui vient semer la zizanie dans le couple en déclenchant la jalousie de Jake, puis en profitant de son dépit pour le séduire, provoquant le désespoir d’Ella. La garce est évidemment sexy et pulpeuse, avec du monde au balcon, des lunettes noires cachant son regard perfide. Elle évoque un peu Lana Turner dans la célèbre adaptation cinématographique du Facteur sonne toujours deux fois.
Bill Plympton a insisté sur l’importance des ombres dans ses dessins. C’est là que sa créativité s’exprime. Quand il esquisse les ombres, son cerveau « se déconnecte » et il travaille alors à l’instinct, pour le résultat que l’on connaît, brillant…

Une fois les présentations faites, le cinéaste a montré comment tout ce beau monde s’animait. Il a expliqué comment il travaillait, à l’ancienne, dessinant chaque calque à la main (40 000 dessins pour Cheatin !) avant de laisser à son équipe – composée d’une quinzaine de personnes- les scanner, les nettoyer et les ordonner.
La première version des séquences ne comporte aucune couleur, juste des esquisses qui permettent de vérifier si l’animation fonctionne et que le rendu artistique est satisfaisant. Déjà, on retrouve la patte de Bill Plympton dans la mise en scène, dans les mouvements des personnages et l’enchaînement des plans, rythmés par la belle musique de Nicole Renaud.

Si cette étape de dessin et d’animation représente un travail colossal, ce n’est pas elle qui est la plus gourmande en terme de budget. Ce qui coûte vraiment cher, dans  la production de ce film, c’est la mise en couleurs. Car Plympton, là encore, a sa propre méthode. Il utilise une peinture à l’eau spéciale appliquée sur trois ou quatre couches successives pour obtenir l’effet escompté, plus l’ajout de ses ombres chéries, par-dessus les effets de couleur.
Cela nécessite du temps et du matériel, et sur ce film, les fonds se sont rapidement épuisés, obligeant le cinéaste à faire une pause de deux ans dans la production de ce film, réalisant entretemps des films de commande plus lucratifs.
Mais Bill Plympton a eu la bonne idée de solliciter l’aide de ses fans via un site de financement participatif, Kickstarter. En échange de cadeaux et avantages dépendant de la somme investie, le cinéaste a réussi à lever près de 100 000 $  – alors qu’il n’avait demandé que 75 000 $. Cet argent lui permet actuellement de mettre la touche finale à son film, qui devrait être achevé d’ici un mois.

La masterclass s’est terminée en apothéose, avec un mini-concours permettant à un heureux spectateur de gagner un des dessins réalisés pendant la soirée, puis avec une séance de dédicaces, pendant laquelle il était possible de discuter un instant avec l’artiste.
Bill Plympton a ainsi dessiné, pour la centaine de personnes présentes, un des personnages principaux de son film, au choix.

Les fans ont également pu se faire dédicacer l’un des DVD du Maître mis en vente, et notamment sa nouvelle anthologie de courts-métrages, Dogs & cows.

Pour ceux qui n’ont pas eu la chance d’assister à cette rencontre, ou à la masterclass donnée à Annecy en 2011, ne soyez pas trop tristes. Pour soutenir, à notre façon, ce qui s’annonce comme un nouveau petit bijou du cinéma d’animation, nous proposerons prochainement un jeu-concours permettant de gagner les cartes du film dédicacées et peut-être, si vous êtes sages, le DVD de Dogs & cows.

En attendant, on vous conseille d’aller découvrir le projet via les différents supports listés ci-dessous. On est prêts à parier qu’en découvrant les bandes-annonces et les coulisses de la production, vous serez aussi impatients que nous de découvrir Cheatin.
On vous recommande aussi chaudement les rendez-vous Anima lundi du Studio des Ursulines, qui proposent de très belles rencontres autour du cinéma d’animation. Vous trouverez aussi le site officiel de la salle ci-dessous.

Pages officielles Bill Plympton :

Le Blog officiel du film
La page Kickstarter du film.
Le site officiel de Bill Plympton, Plymptoons
La page Facebook de Bill Plympton

Pages officielles du distributeur E.D. Distribution :

Le Site officiel d’ E.D. Distribution
La page Facebook d’E.D. Distribution


Informations sur Anima Lundi :

Site officiel du Studio des Ursulines

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CHEATIN’ de Bill Plympton (extrait) – Sortie en salles en France en 2014 from EDDISTRIBUTION on Vimeo.

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