[Critique Cinéma] Capitaine Phillips

Par Nivrae @nivrae

Capitaine Phillips est un film réalisé par Paul Greengrass (Green Zone, La Vengeance dans la peau, La Mort dans la peau) qui sort en France le 20 novembre 2013.

Proposer un film quelques mois à peine après un autre sur le même sujet, et inspiré des mêmes faits réels, est souvent un exercice périlleux. Pourtant, l’agité et très bon « Capitaine Phillips », le nouveau long métrage du « britannique en colère » Paul Greengrass, réussit l’exploit de passer après le tout aussi génial « Hijacking », sorti cet été.

Synopsis : Capitaine Phillips retrace l’histoire vraie de la prise d’otages du navire de marine marchande américain Maersk Alabama, menée en 2009 par des pirates somaliens. La relation qui s’instaure entre Richard Phillips, commandant du bateau, et Muse, le chef des pirates somaliens qui le prend en otage, est au cœur du récit. Les deux hommes sont inévitablement amenés à s’affronter lorsque Muse et son équipe s’attaquent au navire désarmé de Phillips. À plus de 230 kilomètres des côtes somaliennes, les deux camps vont se retrouver à la merci de forces qui les dépassent…

Casting : Tom Hanks, Catherine Keener, Barkhad Abdi

De Tom Hanks derrière la caméra nerveuse de Greengrass, on attendait forcément des étincelles. En pratique, Capitaine Phillips est effectivement le genre de film que l’on suit bouche bée et gorge nouée, sans jamais pouvoir détourner le regard de l’écran, porté par un Tom Hanks fascinant, dans un rôle qui semble avoir été écrit sur-mesure.

En interviews, Paul Greengrass s’attache à décrire son nouveau long-métrage comme une « histoire criminelle née sur l’océan de l’économie mondiale », en somme, un récit propice à captiver, émouvoir mais surtout faire réfléchir. Pourtant, la première impression quand on voit Capitaine Phillips est celle d’un film réalisé par un type qui, connu pour être engagé, s’investit désormais peut-être un peu moins sur le plan politique qu’à ses débuts (« Bloody Sunday »). Ceci étant dit, Capitaine Phillips repose sur une histoire passionnante, minutieusement bien racontée, évitant judicieusement l’écueil de la leçon de morale, ou des présuppositions.

Et même si, ce que dénonce officiellement le film est moins fiable que ses scènes d’action pure, Greengrass, une fois encore, nous en bouche un coin, dans un montage heurté, kaléidoscopique (merci le chef monteur Christopher Rouse) où chaque geste, chaque parole, chaque seconde qui passe, revêt d’une importance cruciale.

Partant d’un récit simple mais humain – « Quatre jeune somaliens à l’attaque d’un énorme porte-conteneurs, deux capitaines issus de deux mondes différents qui se retrouvent face à face, leur bras de fer, la patrouille antipirate qui débarque et tous se trouvent plongés dans ce maelström » – Greengrass enchaîne les séquences sous tension, en conservant évidemment son style frénétique (« être dans l’immédiateté pour mieux enregistrer le monde »), tout en gardant une longueur d’avance sur à peu près tout le monde en matière de lecture quasi-documentaire de l’histoire récente de sa terre d’adoption (rappelez-vous « Vol 93 », c’était lui). Sa caméra mobile, hyperactive, attrape le spectateur dès les premières minutes pour ne jamais plus le lâcher jusqu’au dénouement, particulièrement émouvant, au cours duquel les choix moraux discutés quelques instants plus tôt (y a-t-il d’autres options en Somalie que d’être un pêcheur ou un voleur ?) résonnent encore dans toutes les têtes. De quoi en fin de compte compléter « Hijacking », qui s’attardait intelligemment sur les interminables heures de négociations entre les pirates et l’entreprise d’assurance du porte-conteneurs.

Sur un dernier plan, relevons que si « Capitaine Phillips » nous tient en haleine sans discontinuer, à la manière d’un « Bourne », c’est aussi et surtout grâce à l’excellente partition de Tom Hanks, absolument prodigieux en capitaine de navire pris en otage. Troisième Oscar en vue ? On est prêt à prendre le pari.

Bilan : Ce thriller maritime, au rythme peut-être moins trépidant que les précédentes moutures de Greengrass (« La mort dans la peau », « Green Zone », « Vol 93 »), mais filmé toujours aussi efficacement, caméra à l’épaule, permet surtout à Tom Hanks de montrer qu’il est toujours l’immense acteur d’antan.

Anecdote (source : Allocine.fr) : Dans une volonté d’hyperréalisme, le réalisateur a imposé aux Américano-Somaliens, jouant les pirates, d’éviter tout contact avec ceux qui incarnaient le personnel de bord du Maersk Alabama dans le but de créer une véritable crainte de la part du Capitaine et de son équipage.

Critique rédigée par Robin Fender pour Nivrae.fr