"Le premier souvenir que j’ai de ma mère c’est quand j’avais quatre ou cinq ans. Elle nous appelle, mes deux frères et moi, pour le dîner en disant : "Les garçons et Guillaume, à table !" et la dernière fois que je lui ai parlé au téléphone, elle raccroche en me disant : "Je t’embrasse ma chérie" ; eh bien disons qu’entre ces deux phrases, il y a quelques malentendus."
Sociétaire de la Comédie Française depuis maintenant 15 ans, Guillaume Gallienne est un acteur qui a fait du chemin pour nous faire parvenir aujourd’hui son premier long-métrage. Intitulé Les Garçons et Guillaume à Table, ce film est une adaptation de la pièce de théâtre éponyme déjà écrite à l’origine par Guillaume Galienne. Comptant son enfance, mais plus particulièrement la relation fusionnelle qu’il entretenait avec sa mère, cette pièce de théâtre est maintenant un film à succès et quel film. Jouant à la fois sur le trait de la comédie subtile, mais également sur le trait du drame intimiste pouvant toucher un grand nombre de personnes, ce premier film en tant que réalisateur est une belle réussite. Vendu comme étant une formidable comédie française, il faut mettre les points sur les "i" et dire avant tout que ce film n’est pas une comédie loufoque ou burlesque dans la veine des pastiches que Gallienne avait pu réalisée sur Canal+ il y a de ça quelques années. Souhaitant raconté sa vie tout en la fictionnant pour lui donner un attrait moral et naturel, le metteur en scène a choisi le drame intimiste pour mettre en avant la relation qu’il entretenait plus jeune avec sa mère. Plus que fusionnelle, cette relation ne permettait pas au personnage de s’ouvrir au monde et de devenir un homme à part entière. À cause de cela, il ne pouvait s’émanciper et devenir un homme parmi tant d’autres. C’est cela qui nous est raconté dans ce film durant un peu plus d’une heure trente.
Jamais redondant, le film réussit à transporter le spectateur sans que ce dernier puisse s’ennuyer grâce à un scénario qui possède deux couches bien distinctes. Alors que la première couche est dédiée à l’histoire de Guillaume Gallienne, la seconde offre au spectateur une immersion dans sa propre vie. Tout en s’identifiant au personnage principal, le spectateur se remémore les temps passés en famille et plus particulièrement la relation avec sa mère. On est en droit de se demander si les choix effectués par nos mères respectives sont les bons choix pour notre émancipation dans la vie de tous les jours. Sans forcément avoir à se remettre en question, l’immersion dans la vie de Guillaume Gallienne permet au spectateur de faire quelques pas en arrière dans sa propre vie. Cette immersion et prise de possession du film le rend plus touchant. Bien écrit, le scénario réussit à donner du cœur à son propos et à ses personnages grâce à des dialogues qui sont fins et savoureux. C’est en utilisant les caricatures de chaque thème abordé (homosexualité, mère autoritaire…) que le scénariste permet aux personnages de prendre vie et de donner vie aux émotions introduites par le scénario de manière générale. Très touchant, le film ne sombre jamais dans le pathos grâce à une belle maîtrise du sens de la comédie. Aussi subtile que l’humour l’anglais, l’humour de ce film fait sourire sans jamais porter au fou rire grâce aux dialogues, mais surtout aux comédiens.
Naturels dans leurs réactions et dans leurs manières de faire ressortir les différentes émotions, le casting du film est particulièrement bon porté par un Guillaume Gallienne qui est touchant, attachant et drôle. Il s’amuse avec sa vie et se permet quelques folies comme le fait d’interpréter sa mère. Légèrement anodin, ce procédé permet au scénario de prendre une tout autre dimension et de faire comprendre aisément au spectateur que la relation entre le fils et sa mère est tellement fusionnelle qu’ils ne fassent qu’un. Bien évidemment, le scénario va plus loin dans cette réflexion pour notre plus grand bonheur. Le tout est porté par une bande-sonore très éclectique, mais dont les morceaux sont judicieusement choisis. Alors que certains morceaux sont assez lents afin de mettre en avant le côté émotionnel du film où même les dialogues, d’autres sont bien rythmés et dynamitent les scènes. Un premier film très réussi, qui nous prouve que le cinéma français en a toujours sous le pied même avec de nouveaux réalisateurs qui savent ce qu’ils font et qui peuvent même s’offrir de petits plaisirs dans leurs films (travelling qui suit un personnage de dos) afin qu’ils soient personnels, mais intemporels.