A l’occasion de la sortie de the Immigrant, il était indispensable de revenir sur l’un des grands films du fascinant James Gray en l’occurrence La Nuit nous appartient.
Fidèle à ses préoccupations et toujours sous une certaine influence shakespearienne mais aussi des drames russes, La Nuit nous appartient nous replonge dans le New-York de la fin des années 80 pour suivre le choix que doit prendre Bobby. Partagé entre sa famille de flics et la boite de nuit qu’il gère pour le compte de russes et où s’organisent des trafics de drogue. Quand l’affrontement s’intensifie et commence à menacer sa famille, il doit se mettre en sécurité et choisir si il doit oui ou non tomber le masque et devenir ce qu’il redoutait le plus.
Dès les premières images, le réalisateur nous replonge dans l’ambiance de la fin des années 80 au son de Blondie sans pour autant en donner un aperçu kitsch, rétro ou nostalgique mais au contraire avec le plus de naturel possible pour rendre son film clairement intemporel. Car malgré son contexte, il sait qu’il ne va pas raconter une chronique de la mafia aux USA mais plutôt s’intéresser au parcours d’une famille de policier et leur lute contre la mafia alors que l’un des leurs souhaite rester un électron libre. Ainsi, James Gray confère d’emblée une dimension très personnelle accentuée par l’aura intimiste de la photographie jouant parfaitement sur les ombres et les lumières.
Avec un côté très européen, loin de la fougue d’un Scorsese, et justement une mise en scène posée et proche de ses personnages particulièrement fouillés, Gray nous fait avancer dans une intrigue passionnante où chacun pourrait avoir un double visage. Entre drame shakespearien ou tragédie grecque, notre cœur balance mais le résultat sera le même, les émotions bien présentes, notamment lors de la disparition du père déclenchant alors le choix pris par le personnage de Joaquin Phoenix. Maitrisant parfaitement l’avancée de son récit, le parcours de ses personnages dans la douleur, le réalisateur nous fait entrer dans la famille pour ne plus en sortir.
Non content de nous décrire le milieu de la police comme de la mafia avec précision, le réalisateur sait aussi entretenir un suspense intense. Ainsi, la poursuite en voiture sous la pluie à l’issue tragique est certainement l’une des meilleures scènes de poursuite réalisées, tandis que la traque finale dans les hautes herbes dans lesquelles s’invite la fumée se révèle des plus incertaines.
Mais au delà de la maitrise du récit et de la plastique de James Gray, il faut aussi saluer les performances des acteurs et en premier lieu de Joaquin Phoenix, à la fois sensible et tiraillé entre ce qu’il déteste et ce qu’il aime dans la mafia et la famille. Mais Mark Wahlberg, Robert Duvall et Eva Mendes ne sont pas en reste avec des rôles plus fins que les archétypes qu’ils peuvent camper au premier abord et conférant une véritable dimension humaine au film.
Présenté à Cannes, le film sera encore un grand succès critique (remportant même un césar du meilleur film étranger) même si le réalisateur peine toujours à fonctionner aux États-Unis. La suite de sa carrière sera plus versée dans les sentiments avec la romance tragique Two Lovers (avec à nouveau Joaquin Phoenix poignant) et le mélodrame the Immigrant.