Zulu [Critique]

Par Kevin Halgand @CineCinephile

"Dans une Afrique du Sud encore hantée par l’apartheid, deux policiers, un noir, un blanc, pourchassent le meurtrier sauvage d’une jeune adolescente. Des Townships de Capetown aux luxueuses villas du bord de mer, cette enquête va bouleverser la vie des deux hommes et les contraindre à affronter leurs démons intérieurs."

Réalisateur reconnu grâce au très bon Largo Winch premier du nom alors qu’il ne possède qu’une très courte filmographie, Jérôme Salle est avec Fred Cavayé, le réalisateur français le mieux placé pour réaliser un film d’action intense et immersif. Depuis la sortie de Largo Winch 2, les spectateurs ont compris que Jérôme Salle n’est pas un réalisateur de film de commande (Largo Winch 2 en étant un). Pour pouvoir se faire plaisir et accessoirement nous faire plaisir, il lui faut un script qui lui corresponde à travers lequel il pourra s’épanouir. Écrit par Caryl Férey et paru en 2008 dans toute bonne librairie, Zulu est un roman très noir qui mélange deux registres que sont le buddy-movie et le thriller politique. Traitant de sujets sensibles comme le traitement des armes chimiques à but raciste durant l’apartheid, Zulu est devenu un film poignant et très fort dans son écriture. Bien écrit durant sa première heure et demie, le film arrive à aborder plusieurs sujets sensibles tout en restant immersif et rythmé. Partant sur le principe d’une enquête policière qui dérape, le film use cette trame narrative de belle manière afin de mettre en avant le thème de l’apartheid. Sujet très délicat, l’apartheid est malheureusement revenu dans nos esprits ces derniers jours à cause de la disparition de Nelson Mandela, personne que l’on peut traiter comme étant étant le leader de l’anti-apartheid. De nos jours, la division entre les hommes blancs et noirs n’est plus réelle (fort heureusement), mais on peut se demander comment vivent ceux qui ont été maltraités durant cette dure période.

Incarné par Forest Whitaker, Ali Sokhela est un personnage fascinant, car rongé intérieurement par la vengeance. Ayant vécu une enfance terrible à cause de racisme, il est maintenant Lieutenant pour remettre de l’ordre dans son pays, mais cette enquête va le forcer à faire ressortir cette colère. Très violent dans ses scènes d’actions durant lesquels le réalisateur (et scénariste) ose mettre en avant du sang et des larmes à travers la radicalité extrême de l’être humain. L’être humain peut-être bon, mais il peut surtout être violent pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Tout cela nous est très bien expliqué que ce soit par les dialogues ou par la violence physique et donc visuelle. C’est un film qui est dur, mais qui retranscrit très bien son propos à travers ses personnages qui sont bien mis en scènes et complémentaires. Alors qu’on retrouve un Ali Sokhela mystérieux, son coéquipier Brian Epkeen est son exact opposé. Drogué et alcoolique à ses heures perdues, il est une sorte de Martin Riggs rajeuni, car il réussit à ajouter quelques notes d’auto-dérision à cause de son état dépressif. Complémentaire sur le plan physique et mental à son coéquipier, ils se rejoignent et se comprennent grâce à la vengeance qui les anime. Mêmes s’ils ne sont pas de la même origine, ni animés par la même vengeance, ils se comprennent, car savent se dominer jusqu’au jour où tout doit éclater au grand jour. Pour faire éclater leur colère respective, Jérôme Salle aurait dû prendre son temps et offrir à son film un final moins direct.

Souhaitant monter en gradation jusqu’à la dernière image, il préfère mettre en avant la vengeance au détriment des aspects politiques et psychologiques mis en place dans l’écriture initiale. C’est dommage, car le scénario perd en profondeur sur sa dernière demi-heure, mais il en reste une demi-heure terriblement efficace, car bien mis en scène et très bien réalisé. Réalisé à base de caméras fixes et de caméras à l’épaule, Jérôme Salle effectue du très beau travail et rend le film immersif, dynamique et lisible sur toutes ses scènes d’actions grâce à ses caméras et au montage. On regrettera malgré tout la présence trop minime de la bande-sonore signée Alexandre Desplat qui ne se fait pas assez entendre lors des scènes d’actions. Porté par un casting exemplaire (Orlando Bloom trouve ici son plus beau rôle), une ambiance pesante, une réalisation soignée qui met en place un bon rythme et un scénario bien écrit malgré un final simpliste. Zulu est une très belle surprise, un thriller qui ose et qui met en avant la violence pour choquer sans pour autant qu’il s’agisse de violence gratuite.