Le Loup de Wall Street [Critique]

Par Kevin Halgand @CineCinephile

"L’argent. Le pouvoir. Les femmes. La drogue. Les tentations étaient là, à portée de main, et les autorités n’avaient aucune prise. Aux yeux de Jordan et de sa meute, la modestie était devenue complètement inutile. Trop n’était jamais assez…"

Déjà reconnu mondialement comme étant un grand cinéaste grâce à des films comme Mean Streets, Raging Bull ou Taxi Driver, en 1990 Martin Scorsese prend tout le monde de haut avec un seul film : Les Affranchis. Véritable épopée sur la mafia américaine dans laquelle un jeune homme souhaite devenir le maître incontesté, Les Affranchis marquait un cas dans le cinéma américain grâce à sa narration porté par une superbe utilisation de la voix off, son casting et sa réalisation impartiale. Il n’y a rien d’onirique dans la façon de filmer de Martin Scorsese, mais il prend son temps et il sait quoi filmer. Toujours porté sur les actions réalisées par les personnages, il sait mettre en valeur le petit détail qui va rendre le film immersif, simple et plaisant. Beaucoup de scènes de ce film sont aujourd’hui devenues cultes et la façon de filmer de Martin Scorsese a été reprise par un grand nombre de réalisateurs (on retiendra surtout le plan-séquence qui suit le personnage de dos), mais en sera-t-il de même pour Le Loup de Wall Street ? Du haut de ses 71 années, le cinéaste né à Long-Island n’a rien perdu de sa superbe et donne une véritable leçon de mise en scène à tout bon réalisateur qui se respecte.

Brillamment mis en scène, c’est grâce à une superbe à une superbe coordination entre le montage et la mise en scène que le spectateur se rend compte que chaque plan a été étudié pour mettre en avant une émotion, un élément du décor ou une réplique. Martin Scorsese dirige ses acteurs avec panache et rend les personnages délicieusement attachants même si complètement déjantés dans leur façon de voir la vie. Entre les années soixante-dix et quatre-vingt-dix, le cinéma nous divertissait grâce à des figures qui gagnaient de l’argent tout en devenant des piliers dans un domaine et pas des moindres qui est la contrebande et donc la mafia. Aujourd’hui la mafia existe toujours, elle est toujours invisible aux yeux du grand public et celle-ci est dirigée par les traders. Ils jouent avec l’argent des autres afin de s’enrichir et c’est exactement le même principe d’enrichissement que celui qui était utilisé par les mafieux lors de "la grande époque". Le parrain des temps modernes se nomme donc Jordan Belfort et on pourrait lui vouer un culte cinématographique comme on avait voué un culte à Henry Hill ou même à Tony Montana. Sans faire de la violence, Jordan Belfort a réussi en quelques années à s’enrichir exponentiellement tout en faisant profiter ses amis avec lesquels il avaient au préalable créé sa société de trading. Superbement écrit, Le Loup de Wall Street est un film qui jongle habilement entre le registre de la comédie et le drame intimiste.

Relatant la vie "extraordinaire" de Jordan Belfort, Le Loup de Wall Street est au premier abord un film sur la montée au pouvoir d’un homme qui ne pouvait se contenter d’une vie ordinaire. Il voulait le pouvoir et l’argent, il voulait tout et pour cela il s’est imprégné de la vie de courtier qui l’aura éduqué à ce métier de hors-la-loi. En moins de dix minutes, le spectateur comprend que  Jordan Belfort va vite partir en vrille et qu’il ne va pas se contenter d’avoir tout ce qu’il souhaite. Tel un chef de meute, il va partir seul et va apprendre son sens de la vie à des personnes qui n’ont rien à perdre. Véritable satire du monde de la finance, Le Loup de Wall Street c’est surtout un film dans lequel la société dépeint sur un homme. D’une manière généraliste, l’homme en veut toujours plus, il ne peut se contenter du plus simple aspect d’une vie ordinaire, mais qu’est-ce qui se passe lorsqu’un charismatique meneur a les pleins pouvoirs et de l’argent à ne plus savoir quoi en faire ? Sans prendre de chemins de traverse, le film dénonce notre société à travers de cet homme Jordan Belfort. Homme auquel n’importe quel spectateur peut s’identifier.

Très bien conçu dans sa structure et dans sa narration qui utilise avec brio la voix off, Le Loup de Wall Street n’est autre que le film de mafieux moderne tout simplement, sauf qu’il va encore plus loin. C’est grâce à l’utilisation naturelle du registre de la comédie, que Martin Scorsese rend son film épatant, divertissant et au combien jubilatoire. Avec des répliques déjantées au possible et des séquences qui permettent aux personnages de se rendre ridicules tout en restants crédibles, le film réussi avec brio à nous offrir des séquences complètement folles du début à la fin sans pour autant perdre son fil conducteur ou son arc narratif qui consiste à effectuer une critique de la société, du monde de la finance et de la nécessité que l’homme possède à en vouloir toujours plus. Malgré son grand âge, Martin Scorsese offre aux spectateurs un film jubilatoire, une comédie détonante et un drame percutant porté par un casting impérial. Alors que Leonardo DiCaprio n’a jamais été aussi délirant et ridicule, Jonah Hill est délicieusement détestable tout comme Matthew McConaughey. Et que dire de la magnifique Marcot Robbie… Martin Scorsese est toujours présent et c’est avec l’aide son monteur attitré, j’ai nommé Thelma Schoonmaker et de son acteur fétiche du moment Leonardo DiCaprio, qu’il nous offre le film de l’année et un film qui à coup sûr deviendra culte pour plusieurs générations.