Jonny “Don Jon” Martello (Joseph Gordon-Levitt) a tout du Don Juan 2.0.
Son château est un appartement new-yorkais dont il assure lui-même l’entretien.
Son destrier est une voiture de sport qu’il bichonne avec un soin aussi maniaque que son appartement.
Son fidèle Sganarelle correspond à deux vieux potes du quartier, avec qui il sort en boîte de nuit pour draguer les filles.
C’est un séducteur de génie. Pendant que les potes en question s’attaquent à des donzelles notées 6 ou 7/10, selon leurs critères personnels, Don Jon, lui, vise des beautés à 8 ou 9/10. Et il ne rentre jamais au bercail bredouille. Il parvient toujours à séduire la belle conquête, à coucher avec elle avant de l’abandonner goujatement une fois leur idylle consommée.
Et, comme son glorieux modèle, il tombe sur sa “statue du Commandeur” : Barbara Sugarman (Scarlett Johansson), une femme différente des autres, qui ne se laisse pas séduire aussi facilement, qui lui résiste tout en échauffant sérieusement ses sens. Pour la posséder, il est prêt à se damner, à se passer la corde au cou. Il reprend ses études, arrête les sorties entre potes, accepte de la présenter à sa famille… Don Juan, le séducteur impénitent, terrassé par l’Amour…
La seule chose qui distingue ce Don Juan moderne de celui, mythique, dépeint par Tirso de Molina, puis par Molière, c’est son vice particulier : une addiction à la pornographie. Le garçon ne peut pas s’empêcher de se masturber quotidiennement devant des vidéos X soigneusement choisies sur internet. Il exécute ce rituel entre une et cinq fois par jour, même quand il couche avec ses conquêtes d’un soir. Les fantasmes véhiculés par ces films pornos l’excitent plus que l’acte réel, qu’il juge souvent décevant, trop banal et trop sage.
Et cela va finir par lui jouer des tours, car la belle Barbara n’est pas prête à accepter que “son” homme préfère regarder des films cochons que de lui faire l’amour…
A partir de là, on aurait aimé que le cinéaste développe les passionnants sujets que son scénario autorisait, qu’il montre l’évolution des relations hommes/femmes entre le 17ème siècle de Tirso de Molina et Molière et l’époque contemporaine, où les femmes sont plus émancipées, qu’il nous conte la vie compliquée d’un séducteur satyriasique dans un monde où les tentations sont multiples et omniprésentes, via le flux d’images érotiques utilisées à la télévision et dans les publicités, qu’il traite de cette addiction à la pornographie comme avait pu le faire Steve McQueen dans son Shame.
Hélas, Joseph Gordon-Levitt n’en fait absolument rien d’autre qu’une banale comédie dramatique, aux ressorts narratifs usés et aux situations convenues. Finalement, le film n’est rien d’autre que l’histoire d’un “petit branleur” qui découvre, à trente piges passées, que l’intérêt de faire l’amour avec une tierce personne est de se donner du plaisir mutuellement, pas d’accomplir un acte de coït égoïste et solitaire, indifférent aux sensations de l’autre. Vu sous cet angle, le film est déjà beaucoup moins sexy que ce qu’il paraissait…
Restent les numéros d’acteurs : Joseph Gordon-Levitt joue lui-même le rôle-titre et il est plutôt convaincant en séducteur égocentrique mais torturé par son éternel sentiment d’insatisfaction, Scarlett Johansson s’amuse à camper un personnage féminin complexe, tantôt prude ingénue, tantôt garce dominatrice, Tony Danza et Glenne Headly livrent un beau numéro de parents italo-américains étouffants, et on est heureux de revoir Julianne Moore dans un rôle à la mesure de son talent, femme d’expérience qui ouvre les yeux de notre Don Juan quant à la beauté de l’acte sexuel et le côté factice du porno d’aujourd’hui.
Ajoutons, dans des caméos savoureux, la présence de Channing Tatum, Anne Hathaway, Cuba Gooding Jr et Meagan Good.
On se contentera de ça, et de quelques idées de mise en scène, parfois inspirées, parfois maladroites, que Joseph Gordon-Levitt tente pour se forger son propre style. Mais on sort quand même de la salle frustrés par le peu d’ambition du cinéaste au regard de son sujet et par le ton trop sage de l’ensemble, qui aurait pu, à défaut de susciter la réflexion, provoquer davantage le rire en exploitant le côté sulfureux/trash des situations.
Dommage, mais ce Don Jon ne nous séduit pas…
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Don Jon
Réalisateur : Joseph Gordon-Levitt
Avec : Joseph Gordon-Levitt, Scarlett Johansson, Julianne Moore, Tony Danza, Glenne Headly
Origine : Etats-Unis
Genre : such a shame…
Durée : 1h30
Date de sortie France : 25/12/2013
Note pour ce film :●●●○○○
Contrepoint critique : Cinémateaser
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