Pour entamer cette nouvelle année de « culte du dimanche» , il était indispensable de remonter dans le temps et de s’intéresser à un véritable classique, une comédie aussi drôle que satirique de Charlie Chaplin : les Temps Modernes.
Dans les années 30, alors que la crise de 29 a fait des ravages aux États-Unis, Charlie Chaplin et son personnage phare, Charlot, rencontrent encore un véritable succès auprès du public et des critiques avec Les Lumières de la Ville et ce n’est pas l’arrivée du cinéma parlant qui change la magie qu’a l’acteur-réalisateur pour offrir des films toujours drôles mais aussi de plus en plus mélodramatiques et parlant de la société. Ainsi, en 1936, les Temps Modernes va marquer une étape cruciale pour Chaplin tout en offrant un nouveau film marquant.
Le film met donc à nouveau en scène le personnage de Charlot, travailleur effréné dans une usine. Mais le travail à la chaîne va le rendre fou et il finira à l’hôpital. En en sortant, il se rend compte qu’il est maintenant difficile de trouver du travail et en même temps, il rencontre une vagabonde avec qui partager sa vie tout en cherchant à retourner en prison, en sécurité.
Dès ses premières scènes, Les Temps Modernes se montre très critique vis à vis de la société, montrant bien toute la folie et dépression que peut provoquer le travail à la chaîne. Avalés par ce mécanisme impitoyable, les travailleurs sont anéantis et le meilleur moyen de l’illustrer est bien le ridicule du burlesque. Chaplin réussi à merveille à rendre compte de cette situation mais va élargir son thème en parlant également du chômage, de la pauvreté, de la consommation, rendant alors le film complètement lié à son époque et résonnant encore à chaque crise que nous connaissons. Le film navigue ainsi aisément entre gags burlesques très drôles et en même temps un vrai sens des réalités conférant au film une véritable consistance mélodramatique derrière le rire de surface.
Mais Les Temps Modernes est aussi le dernier film dans lequel le réalisateur fait apparaitre son personnage fétiche de Charlot, signe que les temps vont changer pour le cinéma et Chaplin, comme une œuvre de transition. Car si il est muet pendant tout le film, Charlot va bien devoir se mettre à parler. Cela est amené avec un véritable savoir-faire et est emprunt d’un véritable sens.
En effet, Chaplin n’est pas vraiment un partisan de la parole au cinéma et préfère faire passer ses messages par la poésie des images et des gags de son personnage. Il va donc faire chanter à son personnage une chanson étrange dont les paroles faites d’italien et de français n’ont aucun sens mais qui amuse tout de même la galerie. Un pied de nez au cinéma parlant comme pour dire que la parole ne fait pas tout et qu’il préfère s’en moquer, et ce seront presque les derniers mots de Charlot, icône du cinéma muet. Tout un sens !
Avec les Temps Modernes, Chaplin trouve donc le moyen de provoquer autant le rire que les larmes mais se montre plus que jamais engagé auprès de la classe ouvrière mais aussi dans sa vision du cinéma. Et ce n’est que le premier pas avant son premier film réellement parlant où chaque parole sera encore judicieusement utilisée et engagée, le Dictateur. C’est donc une œuvre éminemment personnelle et en même temps universelle et intemporelle qui nous est offerte, pour la grande et belle histoire du cinéma.