12 Years a Slave, critique

Par Fredp @FredMyscreens

Film choc pour certains, encensé par la critique et en bonne ligne de mire pour les Oscars, 12 Years a Slave et son sujet difficile sur l’esclavage vont faire parler … malgré la lourdeur du propos.

Étrangement, alors que l’esclavage était une période longue et assez difficile pour les États-Unis, celle-ci a été assez peu traitée au cinéma, certainement à cause d’une honte qui couvre encore les américains et dont les répercussions sur le traitement des afro-américains sont toujours présentes. Pourtant en 2013, deux films n’ont pas hésité à aborder le sujet frontalement avec d’un côté l’académique Lincoln de Spielberg (qui avait déjà traité le sujet de manière mélo dramatique avec Amistad et aussi, d’une certaine manière, avec la Couleur Pourpre), de l’autre avec le déjanté Django Unchained de Tarantino (et on pourrait presque ajouter le magnifique Cloud Atlas et le Majordome insipide de Lee Daniels qui traitait de la ségrégation). 12 Years a Slave est donc finalement en peu de temps le 3e film parlant d’esclavage et ce n’est pas plus mal tant il faut bien en parler pour ne pas l’ignorer et reproduire les mêmes erreurs.

Après Hunger et Shame c’est un nouveau sujet fort qu’évoque le réalisateur Steve McQueen et évidemment, de manière radicale. Adaptant l’autobiographie Douze ans d’esclavage de Solomon Northup, nous suivons donc cet afro-américain libre vivant à Washington, capturé et rendu esclave pendant 12 ans. A peine le temps de connaitre ce personnage et son mode de vie que le voilà plongé dans une descente immédiate aux enfers de la Louisiane.

Évidemment, le film assume complètement le devoir de mémoire qu’il se doit de faire transparaitre et nous montre bien les conditions d’appartenance et de travail forcé de ces esclaves, rabaissés autant physiquement que psychologiquement par des maîtres lâches, violents ou juste horrible. En vingt minutes, la leçon est apprise mais seulement le film dure plus de deux heures et ne va faire qu’enfoncer le clou à chaque instant de manière lourde, insistant sur les coups de fouets pour marquer les regards des spectateurs et  pour montrer la détresse de ces personnages et la violence dont ils font l’objet de manière frontale. Une lourdeur renforcée par la musique d’un Hans Zimmer plagiant sans vergogne sa composition de la Ligne Rouge, offrant un sentiment d’inachevé à chaque fois.

Renforcé par l’effet « histoire vraie»  plombant et alors que le personnage ne fait finalement pas grand chose pour s’en sortir, le film agace d’autant plus que les 12 années qui passent sont très mal gérées, le personnage ne perdant pas tant que cela en déshumanisation et en espoir toujours présent. Nous avons tout juste l’impression qu’il a passé quelques mois dans ces horribles conditions et nous prenons conscience du temps qui a passé seulement dans l’épilogue passant bien trop vite et manquant alors d’évoquer les conséquences plus profondes de cet esclavage.

Mais si 12 Years a Slave rate le coche du côté de son histoire et de la manière de la raconter, il n’en est pas de même avec les comédiens. L’éternel « second rôle black de service» , Chiwetel Ejiofor, a enfin l’occasion de montrer l’étendue de son talent, en particulier dans une scène contemplative où il se met à regarder longuement le spectateur d’un air désespéré (ajoutant encore du pathos à la mise en scène lourde de Steve McQueen) alors que Michael Fassbender confirmera toute l’étendue de son talent dans le rôle d’un esclavagiste alcoolique et que la jeune révélation Lupita Nyong’o s’illustre dans un rôle difficile. A côté d’eux, Benedict Cumberbatch est assez transparent et Brad Pitt, pour deux minutes de présence en ange-gardien (il est producteur, il lui fallait bien un petit rôle), est assez ridicule et inutile, renforçant le caractère passif du héros.

12 Years a Slave a donc tout pour être un grand film sur le papier, développe un sujet sensible qui se doit d’être abordé et va sans conteste ravir les votants des Oscars, mais s’écroule rapidement devant la lourdeur qu’il entretient en permanence et peut alors devenir assez irritant en assénant ainsi sa leçon d’humanisme. C’est dommage qu’autant de talents se soient pris les pied dans le tapis de l’histoire vraie.