Le papa de Buffy adapte Shakespeare entre amis avec Beaucoup de Bruit pour Rien. Un exercice de style rafraichissant qui risque d’en déconcerter certains alors que cela parait si naturel pour Joss Whedon.
Juste après Avengers, Joss Whedon avait bien besoin de quelques vacances. Mais au lieu de partir loin, il s’est lancé un petit défi, celui d’adapter la comédie romantique Beaucoup de Bruit pour Rien de William Shakespeare en film tourné en toute confidentialité chez lui en un peu plus d’une semaine, loin des conditions de la première adaptation de Kenneth Branagh dans les années 90. Il appelle donc sa troupe de comédiens habituels (que les fans connaissent bien après les avoir suivi dans les différentes séries du réalisateur) avec qui il a l’habitude de faire des lectures et commence à tourner avec les dialogues de la pièce et en noir et blanc dans un décor contemporain.
Le résultat en déconcertera certains puisque, plus qu’un film entre amis, c’est un véritable exercice de style dans lequel s’embarque Joss Whedon. En effet, l’auteur qu’il est doit laisser sa place au texte de Shakespeare. Pas question donc d’y laisser ses propres dialogues alors qu’ils sont pourtant sa marque de fabrique. Le réalisateur doit donc miser sur ses comédiens, son décor et surtout sur sa mise en scène pour donner de la personnalité à son adaptation.
Beaucoup de Bruit pour Rien est alors assez surprenant, de part son cadre mais aussi la mise en situation des dialogues parfois très drôles. L’ensemble est alors d’une belle fraicheur et d’une classe plaisante grâce au noir et blanc qui apporte également une dimension dramatique supplémentaire lors des scènes qui le réclament tandis qu’elle ajoute un décalage bien vu lors des instants de pure comédie. Évidemment, le fait de tourner dans un lieu fermé laisse peu de place au texte pour respirer et le film manque un peu d’ampleur, autant que le récit est difficile à se mettre en place et peut souffrir parfois de quelques longueurs (des défauts propres à la pièce qui étaient d’ailleurs déjà présents dans le film de Branagh).
Mais ces défauts passent très bien car Joss Whedon s’attaque au texte avec toute l’humilité nécessaire et en comprend parfaitement l’esprit. Le réalisateur est ici parfaitement à l’aise avec Shakespeare et on sent bien qu’il est naturel pour lui de s’y attaquer. Avec cette drôlerie et ce drame, l’association des deux auteurs ne pouvait que fonctionner et d’autant plus quand on connait déjà les comédiens et la pièce. Il est alors plus facile de se prendre au jeu et la similarité entre l’écriture de Whedon et Shakespeare saute au yeux comme une évidence. Mais ce le sera peut-être moins si on n’est pas habitués à Shakespeare et à l’esprit de Whedon.
En plus des choix intelligents de Joss Whedon dans sa mise en scène du texte dans un cadre étriqué mais intimement luxueux, il faut saluer les comédiens et en particulier Amy Acker. L’actrice vue dans Angel, Dollhouse et la Cabane dans les Bois a enfin l’occasion de montrer toute l’étendue de son talent dans le premier rôle de Beatrice, face un Alexis Denisof (Buffy, Angel) un peu plus cabotin dans son jeu. Mais on peut aussi compter sur la justesse des autres comédiens (parmi lesquels Fran Kranz de Dollhouse qui sort de son rôle de geek, Clark Gregg de Agents of Shield, Sean Maher de Firefly) et en particulier la drôlerie du duo Nathan Fillion et Tom Lenk.
Évidemment, Joss Whedon n’a pas la prétention de faire de son film en chef d’œuvre mais il réalise une adaptation honnête, pétillante, intelligente et très agréable à regarder de Shakespeare et c’est tout ce que l’on demandait d’un film fait entre amis.