Critique : Pompéi (2014)

Par Nicolas Szafranski @PoingCritique

Résumé : À Pompéi, Milo, un gladiateur celte, s’éprend de Casia, la jeune fille du gouverneur de la cité, à l’aube de l’éruption du Vésuve.

La cantate techno-gotique entonnée par le monstrueux Event Horizon n’était finalement qu’un simple accident dans le parcours de Paul W.S. Anderson. Depuis ce jour, le réalisateur écume les projets bis, accouchant d’oeuvres hybrides dans lesquelles s’expriment à la fois sa filiation à la sphère numérique (Mortal Kombat & Resident Evil) et son esprit baroque, seule région du monde cinématographique où Alexandre Dumas peut croiser le fer avec la famille Wachowski. À de rares exceptions prés, le produit de cette curieuse cohabitation est sans aucun intérêt, et on osait espérer que sa fresque volcanique serait parvenue à réveiller son ardeur passée, de prouver enfin que nous avions tort de voir en lui qu’un vulgaire tâcheron sans talent. Malheureusement, il ne nous faudra que peu de temps pour se rendre compte que Pompéi est un très, mais alors très mauvais film. Passons sur les inexactitudes et les coups de canifs répétés dans la vérité historique, qui n’est le lot d’aucune fiction, et a fortiori, d’aucune réécriture d’un évènement constellé de zones d’ombre. On ne demandait, par ailleurs, pas au metteur en scène de nous dispenser une leçon d’histoire, mais qu’il parvienne à nous amuser, un peu, avec ce cataclysme qui a marqué au fer rouge l’Histoire de l’Antiquité romaine. Sur le papier, le vent de ce projet, noué d’une intrigue romanesque qui unie un gladiateur celte (Kit Harington) à la fille du souverain de Pompéi (Emily Browning), soufflait, pour notre plus grand plaisir, du côté du Titanic de James Cameron, canon de la fresque mélo-historique qui donna déjà du grain à moudre à l’impétueux Michael Bay. Mais c’est finalement vers les pires productions romantiques qu’il nous porte, par la force de dialogues et de performances émoussées. Impossible de ne pas lever les yeux au ciel lors de la première (et pourtant décisive) rencontre entre les deux tourtereaux, scène au cours de laquelle le glaive d’une philosophie de comptoir vient rompre tout espoir d’un développement dramatique subtil. On s’arrange comme on peut avec ce traitement monotone et cette verbalisation furieusement crétine des sentiments qui animent les personnages, et bien heureux celui qui n’aura pas piqué du nez ou claqué la porte de la salle de cinéma devant l’abattage pour le moins aberrant offert par Kiefer Sutherland. Enfin passé cette très longue mise en place de la fragilité d’une passion contre-nature (le fameux syndrome Roméo & Juliette), Paul W.S. Anderson entame son projet catastrophiste. Porté par de solides effets spéciaux et une superbe bande-son qui, tout du long, porte sur ses épaules l’efficacité du film, cet ultime alinéa prouve à quel point le réalisateur et son bataillon de scénaristes (au sein duquel on retrouve Julian Fellowes, co-auteur de l’infâme The Tourist), avec leur épaisse guimauve pour midinette, ont gâché les chances de Pompéi de devenir un honnête divertissement. (1.5/5)

Pompeii (États-Unis, 2014). Durée : 1h44. Réalisation : Paul W.S. Anderson. Scénario : Julian Fellowes, Janet Scott Batchler, Lee Batchler, Michael Robert Johnson. Image : Glen MacPherson. Montage : Michele Conroy. Musique : Clinton Shorter. Distribution : Kit Harington (Milo), Emily Browning (Cassia), Kiefer Sutherland (le sénateur Corvus), Adewale-Akinnuoye-Agbaje (Atticus), Carrie-Anne Moss (Aurelia), Jared Harris (Severus).