Dans l’ombre de Mary [Critique]

Par Kevin Halgand @CineCinephile

"Lorsque les filles de Walt Disney le supplient d’adapter au cinéma leur livre préféré, “Mary Poppins”, celui-ci leur fait une promesse… qu’il mettra vingt ans à tenir !  Dans sa quête pour obtenir les droits d’adaptation du roman, Walt Disney va se heurter à l’auteure, Pamela Lyndon Travers, femme têtue et inflexible qui n’a aucunement l’intention de laisser son héroïne bien aimée se faire malmener par la machine hollywoodienne. Mais quand les ventes du livre commencent à se raréfier et que l’argent vient à manquer, elle accepte à contrecoeur de se rendre à Los Angeles pour entendre ce que Disney a imaginé…  Au cours de deux semaines intenses en 1961, Walt Disney va se démener pour convaincre la romancière. Armé de ses story-boards bourrés d’imagination et des chansons pleines d’entrain composées par les talentueux frères Sherman, il jette toutes ses forces dans l’offensive, mais l’ombrageuse auteure ne cède pas. Impuissant, il voit peu à peu le projet lui échapper… Ce n’est qu’en cherchant dans le passé de P.L. Travers, et plus particulièrement dans son enfance, qu’il va découvrir la vérité sur les fantômes qui la hantent. Ensemble, ils finiront par créer l’un des films les plus inoubliables de l’histoire du 7ème art…"

Le 9 août 1899, une femme donnait au monde une petite fille qui fût prénommée Helen. Inconnue au sein de la culture cinématographique, c’est peut-être sous un autre nom tel que Pamela que vous la connaissez. Toujours pas ? Écrivaine durant l’entre-deux-guerres, Pamela Lyndon Travers a offert à la littérature pour enfant un roman enchanteur, porté par une femme magique qui aurait le pouvoir de rendre tout le monde heureux. Ce roman se nomme Mary Poppins. Ça y est, vous savez maintenant qui est Pamela Lyndon Travers. Fausse biographie sur Walt Disney, Dans l’ombre de Mary est avant tout un petit biopic dédié à rendre à Pamela se qui appartient à Pamela. En effet, si son nom n’évoque en personne des images de Mary Poppins c’est tout d’abord à cause de Walt Disney qui s’est approprié cette histoire grâce à la société ayant pour mascotte une petite souris. Dans notre culture, Mary Poppins est l’icône cinématographique de la société Disney et non pas un personnage créé par Pamela Travers en 1934. Il est donc intéressant de savoir qui est cette Pamela Travers et quelle est son histoire. Personnage intriguant, car vivant en retrait de la société et décrit comme aigrit, on se demande bien pourquoi Pamela Travers peut elle en vouloir au monde entier. Toute bonne caricature de psychanalyste qui se respecte vous dirait que pour trouver la réponse à cette question, il faudrait remonter à son enfance, car cette volonté de ne pas être en phase avec le monde proviendrait bel et bien d’un traumatisme qui remonte à son enfance.

Dans l’ombre de Mary qui nous conte l’histoire de Pamela Travers qui va céder à Walt Disney les droits du roman Mary Poppins afin d’en faire la comédie musicale dont il rêvait. Si Pamela Travers a mis 30 ans à vendre les droits de son roman, c’est parce que celui-ci a une histoire particulière. Fausse autobiographie, Mary Poppins est un personnage qui relie Pamela Travers à son enfance et plus particulièrement à son père auquel elle tenait énormément. C’est grâce à la mise en place de flashbacks, que le spectateur va en apprendre plus sur cette femme et sur son traumatisme qui a par la suite donné vie à Mary Poppins. Si à ce niveau-là le scénario s’avère intéressant – il s’intéresse à un personnage intrigant ayant réellement vécu –  et touchant, c’est grâce à l’utilisation d’une narration linéaire et fluide en toute circonstance malgré les nombreux flashbacks qui auraient très bien pu couper le rythme à une dizaine de reprise. Bien intégrés au récit, les flashbacks sont clairement les éléments qui permettent à l’émotion de survivre face à un présent qui est lisse, surréaliste et inintéressant au possible. Scénaristiquement très fragile, ce récit met en avant de façon trop évidente l’émotion et la tragédie afin d’émouvoir le plus rapidement possible le spectateur. Trop caricatural dans sa façon de décrire et détaillé le traumatisme refoulé par Pamela Travers à cause d’une analyse psychiatrique trop lisse, l’émotion ne passe qu’au travers des acteurs et notamment au travers d’Emma Thompson, Colin Farrell et Ruth Wilson qui surprennent. Ces derniers arrivent à faire comprendre aux spectateurs leurs peurs et leurs angoisses grâce à leurs simples facultés d’acteurs. Là où le scénario n’arrive pas à émouvoir à cause d’un lissage des émotions à la manière d’un simple film d’animation Disney visant un public très jeune, les acteurs prennent le relais et permettent au film de garder la tête hors de l’eau.

Si pendant longtemps le film a été vendu comme une biographie de Walt Disney, c’est parce que ce dernier y est représenté comme un héros, un homme droit et sincère. Walt Disney est un homme qui mériterait un biopic complet et plus complexe où l’on retrouverait en opposition le père de famille aimant et toujours près à passé du bon temps avec ses enfants face au dirigeant de la société Disney – société utopique où tout le monde s’aime et tout le monde est heureux – qui n’appréciait pas les trahisons et souhaitait le meilleur pour ses films au point d’être un véritable tyran. Dans ce film, Walt Disney fait une promesse et tiens cette promesse pour s’approprier les droits du roman pour ses filles. Par un sous-entendu, on en vient à comprendre qu’il aime plus que tout sa famille et qu’il fait ça uniquement pour ses filles, mais est-ce la seule raison ? N’était-il pas un business man qui voyait en ce roman un potentiel énorme et aurait remué ciel et terre pour pouvoir l’adapté et donc s’enrichir. Était-il aussi "gentil et serviable" avec ses employés ? On souhaite en savoir plus, mais pour cela il faudrait dépasser le stade Disney et aller vers un registre plus dramatique au point de brusquer l’image du personnage entré dans les mœurs. Dans l’ombre de Mary est un film Disney, un film où tout est rose et où le monde est merveilleux. C’est trop propre pour être un biopic, mais c’est surtout trop propre pour être réaliste. Beaucoup trop lisse dans son traitement des émotions et dans l’écriture des personnages secondaires, ces derniers sont inutiles et seule la famille Travers réussira à nous émouvoir au travers de flashbacks bien incrustés dans le récit. Visuellement très propre, on en retiendra seulement un mot pour le décrire : Mignon.