Amour virtuel ou bien réel, le nouveau Spike Jonze évoque toutes les contrariétés du sentiments amoureux avec poésie dans Her. Un véritable bijou à ne pas manquer sur lequel il est difficile de placer des mots.
Ce pitch d’un homme tombant amoureux de son ordinateur aurait pu rapidement paraitre ridicule ou réservé aux ados qui se seraient rappelé de Code Lisa. Mais Spike Jonze traite le sujet d’une toute autre manière, évitant en permanence le ridicule grâce à une poésie de chaque instant, à travers sa façon de filmer son monde naturellement, une photo aussi magnifique que la bande-son d’Arcade Fire et que la chanson composée par Karen O. Sa manière d’écrire ses personnages et l’évolution de leur relation parait tout à fait naturelle. En effet, à chaque instant, aucun doute ne plane sur les sentiments qui se dégagent entre eux.
Il faut dire que les comédiens sont ici exceptionnels. Joaquin Phoenix adopte ici un jeu plutôt sobre qui sied parfaitement à son personnage effacé qui ne souhaite que s’épanouir malgré les difficultés. Il campe un personnage romantique à souhait dans un monde moderne. Il arrive à lui seule à faire passer une foule de sentiments rien qu’en parlant avec cette personnage virtuelle invisible à l’écran. Et comme cette personne a la voix de Scarlett Johansson, impossible de ne pas tomber sous le charme. L’actrice ne peut pas ici jouer avec son corps et tous ses sentiments passent alors par sa voix, tantôt amicale, à d’autres instant chaleureuse voir sulfureuse, elle arrive à faire passer une foule de sentiments et de pensée rien que sur l’intonation de sa voix (aidée par le texte de Jonze évidemment) et c’est d’ailleurs sans doute l’un de ses meilleurs rôles.
Loin d’être un simple « film concept» , Her permet à Spike Jonze d’exprimer une foule d’idées et de variations sur le sentiments amoureux, passant par la comédie romantique autant que par le drame, il n’hésite pas non plus à explorer l’aspect sexuel que peut prendre cette étrange relation. Mais surtout, au delà des sourires et de la tendresse, il peut aussi se montrer très dur, passant de l’amour à la déception en quelques secondes, nous prenant alors à la gorge de manière inattendue.
Et en plus de l’amour, virtuel ou non, Jonze nous fait nous interroger sur notre société actuelle, sur l’évolution de nos relations avec les autres, sur le repli sur soi qui se répand, la virtualisation de plus importante de nos actes et de nos pensées. Car c’est aussi ce contexte qui rend la relation entre un ordinateur doté d’intelligence artificielle et un humain plausible dans le film. Et même cette intelligence artificielle semble plus ouverte que l’homme, plus curieuse et avide d’expériences, renvoyant alors l’homme à l’état de machine sentimentale dépendant de l’I.A. C’est donc, en plus d’un film d’une tendresse infinie et touchante, une véritable œuvre de SF à la réflexion passionnante sur la machine qui pourrait évoluer pour développer une âme et surtout une connaissance infinie. Un constat assez noir derrière la beauté apparente du film.
Romance mélancolique aux multiples niveaux de lecture, portée par deux acteurs remplis de tendresse et un réalisateur veillant aussi bien à l’écriture passionnante qu’à la mise en scène poétique, Her est sans conteste l’un des films les plus originaux, passionnants et surtout touchants de ces derniers temps.