"Un vieil homme, persuadé qu’il a gagné le gros lot à un improbable tirage au sort par correspondance, cherche à rejoindre le Nebraska pour y recevoir son gain, à pied puisqu’il ne peut plus conduire. Un de ses deux fils se décide finalement à emmener son père en voiture chercher ce chèque auquel personne ne croit. Pendant le voyage, le vieillard se blesse et l’équipée fait une étape forcée dans une petite ville perdue du Nebraska qui s’avère être le lieu où le père a grandi. C’est ici que tout dérape. Rassurez-vous, c’est une comédie !"
Le soir de la remise des prix du Festival de Cannes 2013, un film créa l’événement en rapportant à un de ses acteurs principaux le prix d’interprétation : Nebraska. Bruce Dern fit également sensation en étant nommé aux Oscars, en même temps que le film dans certaines catégories prestigieuses telles que la meilleure photo, meilleur film et meilleur scénario. N’ayant « assez » logiquement rien remporté face à une concurrence plus rude que jamais, le film vaut quand même le détour, quand bien même il ne connaîtra certainement pas une très grande carrière en salle.
Nebraska conte l’histoire d’un vieil homme persuadé d’avoir gagné 1 million de dollars dans une loterie et le tout filmé en noir et blanc. Aidé par son fils ayant décidé de passer un peu de temps avec lui, il va donc partir du Montana pour aller jusqu’à Lincoln dans le Nebraska (regardez une carte des USA, ça fait quand même une très longue distance). Sur le chemin, ils vont s’arrêter chez des amis et des parents, alors que le bruit court que le vieux Woody est devenu millionnaire.
Le principal défaut du film vient, selon moi, de son manque d’enjeu. Je m’attendais certainement trop à voir un The Descendants 2, mais bien que Nebraska soit un excellent film, il souffre d’une trop grosse comparaison avec son prédécesseur. J’ai dit en parlant d’Only Lovers Left Alive que j’avais aimé le film bien qu’il ne contienne aucun enjeu véritable. Sauf qu’Only Lovers ne racontait aucune histoire précise, mais bien le fragment de vie de personnages. Ça ne posait donc pas de soucis. Ici le point de départ du film est très mince puisqu’on découvre un vieil homme, qui semble tomber dans une arnaque vieille comme le monde. Bien que le sujet se développe au fur et à mesure de l’avancement du film et amène de beaux moments d’émotions. On a moins l’impression d’être confronté à quelque chose de décisif que dans The Descendants, où la toile de fond était l’état stationnaire de la mère de famille qui était entre la vie et la mort, ce qui rendait chaque moment un peu plus dramatique. Ici, si Woody ne gagne pas à la loterie, ça ne changera pas grand-chose mis à part son niveau de vie, alors que dans The Descendants, la famille se déchirait autour du lit d’hôpital de la mère.
Bien que Nebraska ne repose pas sur des bases aussi solides que celles de The Descendants, il n’en est pas moins un excellent film. À travers les rencontres que font Woody et son fils, on découvre des pans entiers de la vie du vieil homme, sa jeunesse, ses expériences et son caractère. L’intelligence du récit est là, situer le film à un moment charnière de la vie du vieil homme tout en faisant découvrir autant au fils qu’au spectateur qui était Woody Guthrie. L’émotion se créée donc souvent, lorsque l’on comprend qui était le vieil homme, pourquoi il est parti de sa ville natale et quel choc c’est pour lui d’y revenir après tant d’années. Les scènes familiales sont également très bien écrites, et démontrent comment en famille on agit parfois différemment, et que l’on peut avoir des différends avec d’autres membres de notre famille. Au milieu de toutes ces réflexions sur la famille et sur le temps qui passe, le film est très, très drôle. Que ce soit dans les situations ou dans les personnages, le film garde un ton doux-amer tout le temps, ce qui lui permet de passer très facilement d’une situation très drôle à une autre, chargée en émotion.
Et en plus de tout ça, le noir et blanc d’Alexander Payne sert bien la chose. Il créer une proximité avec le spectateur tout en permettant au film de ne pas être bien situable dans le temps, ce qui permet à la ville de Lincoln d’être assez intemporelle aux yeux du spectateur, comme si les personnages l’avaient quitté la veille, alors que plusieurs décennies se sont écoulées depuis. Au-delà de tout ça, les acteurs sont également géniaux. Will Forte campant un semi-loser célibataire est magnifique (passé le choc de revoir le wingmen de remplacement de Barney dans How I Met Your Mother) et Bruce Dern n’a pas volé son prix d’interprétation. En vieillard acariâtre, mais terriblement touchant et humain à qui il arrive de déconnecter, l’acteur impressionne et donne une belle leçon d’interprétation aux jeunes générations.
Nebraska est donc une belle peinture de beaux personnages et d’un pays, l’Amérique. Une Amérique déboussolée de ceux qui y ont perdu leur raison de vivre. Alexander Payne est un grand cinéaste, il ne fallait juste pas tomber face à Alfonso Cuaron et Steve McQueen aux Oscars.