“Depuis longtemps, Guillaume est vu par sa famille, et surtout sa mère, comme quelqu’un d’autre… qu’un garçon. En abordant sa vie sur les planches d’un théâtre, ce même Guillaume témoigne de sa vie, sur le regard féminin de sa mère, de sa famille toute entière, mais aussi sur celui des autres camarades de son pensionnat vis-à-vis de son identité…”
Vendredi 28 février dernier, au Théâtre du Châtelet, le verdict tombe: Guillaume Gallienne sort vainqueur de la 39ème cérémonie des César. Au départ nominé dans dix catégories, il en remporta cinq, raflant les prix de meilleur film, meilleur acteur, meilleur premier film, meilleur montage et meilleure adaptation. En effet inspiré de la vie de son réalisateur, le film évoque l’enfance du petit Guillaume, sur fond de psychanalyse théâtrale.
Le film n’est pas une simple histoire racontée, il s’agit d’un récit initiatique vrai, témoignant du regard des autres, et en particulier celui que l’on peut appeler “regard primaire” puisque celui de sa mère. En effet, le personnage principal détermine son mode de vie en suivant les traces de sa mère, qu’elle voulait à son image. Cette socialisation primaire gêne bien entendu le regard des autres, mais invoque toute la naïveté du petit Guillaume, perdu dans son esprit, croyant qu’il est une fille. Toutes ses aventures sont bien sûr racontées avec une telle tendresse qu’il est difficile de ne pas tomber sous le charme du “petit” Guillaume, celui qui se cherche dans un monde qui ne le voit que comme marginal.Donc, arrêtez, messieurs dames, de voir en ce film une dénonciation de l’homophobie puisque ce n’est en aucun cas le sujet principal du film, plus léger et subtil qu’on ne le pense. C’est d’ailleurs cette fantaisie dans l’imaginaire du personnage (la relecture du conte de la princesse Sissi), ce côté décalé de ce qui l‘entoure (le pensionnat) et ce regard si pétillant qui font naître un peu d’humour dans le film. Les évènements “subis” par Guillaume ont souvent le droit à une analyse assez délirante de la part de l’acteur (mention spéciale à l’apparition de Diane Kruger), qui raconte à sa façon ses aventures par le biais de raccords théâtraux entre les scènes. Guillaume Gallienne, lui, est étincelant, maniant la caméra avec une justesse souvent admirable pour un premier film, sublimant le jeu sur les planches et jouant lors du récit visuel du décalage “narration amusante/cadrage très terre-à-terre” pour y déceler une part de malice. Guillaume Gallienne, de plus, mérite amplement son César de meilleur acteur, car il joue son propre rôle à la perfection, mais aussi celui de… sa mère, amplifiant la hantise protectrice de celle-ci.
Malheureusement, le film souffre de défauts qui plombent sa cadence. Le premier est étonnamment le montage, qui est catastrophique. Comme dit plus haut, Les Garçons et Guillaume, à table! jouent sur la succession entre des scènes de la vie de Guillaume, et sur Guillaume racontant son aventure dans une salle de théâtre, servant notamment de fil conducteur. Le problème est que ce deuxième point de vue, malgré une narration en off omniprésente, s’éclipse petit à petit, donnant l’impression finalement d’assister à une désagréable succession de saynètes, à la trame scénaristique bancale et sur fond de psychanalyse bordélique. L’autre souci de ce film est le manque d’identification temporelle claire. Bien sûr, afin de mieux identifier le personnage, Gallienne joue dans toutes les scènes afin de montrer que c’est lui et lui seul qui était au centre de l’attention dans chacune de ses aventures. Mais on ne sait véritablement à quel moment de sa vie les regards d’autrui se sont posés sur lui, si cette socialisation existe depuis qu’il est tout jeune… L’enfance devient confusion avec l’adolescence, qui elle, s’emmêle trop facilement avec l’adulte. Simple constat sur l’instant présent ou évocation de toute sa jeunesse? Personne ne peut y répondre puisque Gallienne ne laisse aucun indice quant à son âge durant les scènes! Comment tout ce capharnaüm peut-il donner naissance à un César du meilleur montage? De plus, la légèreté du sujet est contrastée par une écriture de dialogues parfois très limités, la faute à une certaine crudité dans une ambiance bourgeoise. Cette tonalité fait défaut, car elle rompt tout aspect magnifié dans les scènes de famille.
En clair, Guillaume Gallienne, bien qu’il reste tout de même incroyable dans son interprétation, réussit à passer devant La Vie d’Adèle aux César malgré un film semi-réussi, la faute à un montage insipide, des dialogues pas très fins, rompant avec un univers rose bonbon sublime, et une trame dont on cherche la manière dont elle relie les scènes lorsqu’on approche de la fin. Retenons tout de même un sujet intéressant, jamais porteur de jugement sur l’autre ou sur soi, qui a le mérite d’être très sympathique et sincère.
Par @KingTangTang