Un peu à contre-coeur, Daisy (Saoirse Ronan), une new-yorkaise de 15 ans, doit passer les vacances chez sa tante, dans la campagne anglaise.
A son arrivée à l’aéroport, on comprend qu’un drame est en train de couver : des images inquiétantes d’une ville de Paris à feu et à sang sont diffusées sur les écrans de télévision. C’est son jeune cousin, Isaac (Tom Holland) qui vient la chercher car sa tante, diplomate est justement mobilisée pour gérer cette crise internationale qui menace d’embraser l’Europe entière. Dehors, on croise des convois militaires. Des avions de combats survolent les villes, en état d’alerte.
Mais pour l’instant, cette agitation n’émeut pas Daisy, qui a bien d’autres soucis à gérer. La jeune femme est en colère. Contre son père, qui la délaisse pour prendre du bon temps avec une nouvelle belle-mère qu’elle déteste. Contre cette fichue campagne anglaise truffée d’allergènes de toutes sortes, d’animaux porteurs de germes. Contre Isaac et sa petite soeur Piper (Hailey Bird) qui la collent dès les premières minutes de son arrivée dans le cottage familial. Contre Edmond (George MacKay), leur frère aîné, dont le charme la trouble instantanément. Et contre elle-même, ses névroses, son anorexie, et les voix dans sa tête qui lui pourrissent l’existence.
Très vite, pourtant, elle cherche à sortir de sa réserve et à se rapprocher de ses cousins. Mais pile au moment où elle décide de se laisse aller et de profiter un peu de l’été, une explosion se fait entendre, suivie d’une tempête de neige et d’une pluie noire. Londres a été frappée par une bombe nucléaire. Le pays est en état d’alerte. La tante est bloquée on ne sait où et les quatre enfants sont livrés à eux-mêmes.
Tous vont devoir grandir plus vite que prévu pour faire face aux horreurs de la guerre…
Curieux film que How I live now (Maintenant, c’est ma vie) qui tente d’entrelacer plusieurs genres radicalement différents – récit initiatique, romance adolescente, chronique intimiste et film d’anticipation anxiogène…
L’exercice avait tout de l’entreprise scabreuse. Comment concilier le passage à l’âge adulte d’une adolescente à problèmes, doublé d’un très conventionnel mélodrame familial, avec l’évocation brutale et sans concession d’une troisième guerre mondiale, sans sombrer dans le ridicule?
Le roman pour adolescents de Meg Rosoff (1) dont est tiré le film y est très bien parvenu. Mais à l’écran, le défi est évidemment tout autre. Les scènes s’enchaînent sans permettre de pause, les images sont imposées au spectateur. Les scènes sont beaucoup plus brutes et il est donc facile de déraper vers la mièvrerie ou le sordide.
Pourtant, Kevin Macdonald a su lui aussi relever ce défi haut la main, grâce à des choix solides.
Déjà, celui de Saoirse Ronan dans le rôle principal. La jeune actrice, irradiante, est parfaite dans la peau de cette héroïne mal dans sa peau. Sa performance l’impose un peu plus comme une comédienne de tout premier plan, parfaitement capable de porter un film à elle seule.
Ensuite, celui de ne jamais dévier de son parti-pris initial : tout filmer par le prisme des jeunes protagonistes, et coller au plus près de leurs émotions. On ne quitte jamais le point de vue de Daisy, qui prend conscience progressivement du chaos qui l’entoure et doit puiser une force nouvelle pour survivre et protéger ses proches.
On ne saura rien de plus de ce conflit mondial ou des forces en présence. On ne verra rien des combats. Juste leurs conséquences. La conséquence de la folie des hommes, de l’expression de leurs plus vils penchants…
Ce choix de mise en scène intimiste, à hauteur d’enfant, ne fait que renforcer l’impact des scènes-chocs du film, dont la découverte, terrible, bouleversante, d’un charnier à ciel ouvert, tranchant avec la quiétude des lieux.
On devine que c’est cette confrontation entre l’innocence et l’horreur de la guerre qui a intéressé le cinéaste.
Ainsi, Kevin Macdonald peut poursuivre les thématiques centrales de son oeuvre, la réaction d’individus mis dans des situations qui les dépassent, et qui mettent à l’épreuve leur humanité, et l’intrication de destins personnels dans des évènements historiques plus amples.
Il est un peu moins à l’aise avec la partie romantique de l’oeuvre, mise en scène de façon plus maladroite, plus empesée. Mais elle reste heureusement assez restreinte, et, mieux, le cinéaste parvient à l’entrelacer intelligemment à sa trame principale, le lien métaphysique unissant Daisy à Edmond constituant la boussole de l’héroïne, le but qui lui permet de s’accrocher à la vie, malgré la folie ambiante.
Cela donne au film sa tonalité particulière, à la fois très froide, très âpre, et assez lumineuse, baignée dans une certaine poésie.
Il est certain que tout le monde n’aimera pas ce mélange des genres, mais How I live now a au moins le mérite de proposer quelque chose de très différent des bluettes pour adolescents, façon Twillight, auxquelles nous a habitué le cinéma américain ces dernières années.
Et si le film de Kevin Macdonald aurait gagné, par moments, à évoluer sur un rythme un peu moins monocorde, et à s’ouvrir progressivement sur un récit plus ample – comme Les fils de l’homme, par exemple, auquel on pense à plusieurs reprises – il parvient sans peine à nous captiver de bout en bout.
C’est déjà ça.
(1) : “Maintenant, c’est ma vie” de Meg Rosoff – éd. Livre de Poche Jeunesse
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How I live now
Réalisateur : Kevin Macdonald
Avec : Saoirse Ronan, George Mackay, Tom Holland, Harley Bird, Anna Chancellor
Origine : Royaume-Uni
Genre : film de guerre intimiste
Durée : 1h46
Date de sortie France : 12/03/2014
Note pour ce film :●●●●●○
Contrepoint critique : Critikat
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