Critique : Doute (2009)

Doute 1

Résumé : Sœur Aloysious, directrice d’une école catholique du Bronx, nourrit de plus en plus de certitude sur le caractère licencieux de la relation que le père Flynn entretient avec un de ses élèves.

Ce n’est pas le bronx dans l’école catholique que dirige d’une main de fer Sœur Aloysious Beauvier. Disciple du stoïcisme, elle est de l’ancienne école, appliquant à la lettre les vertueux commandements énoncés par le clergé. Tout le contraire du père Brendan Flynn, nouveau venu dans le sanctuaire de Saint Nicolas, davantage attaché à une église progressiste, décomplexée et ouverte. Il y a ainsi, dès le départ, un fossé entre ces deux personnages, dont l’expérience de la foi et du culte diffère à un dégrée tel que leurs regards, surtout celui de l’héroïne principale, seront brouillés, les doutes posés, les certitudes martelées, et la relation – amicale en apparence – qu’entretient le prêtre avec un de ses élèves d’être jugé, par la directrice, comme contre nature. John Patrick Shanley, dramaturge américain qui avait précédemment porté cette histoire sur les planches, fait ici le choix de focaliser son récit sur l’obstination aveugle de la mère supérieure. Ce personnage n’est évidemment pas éclairé par la plus accueillante des lumières, appuyé par le maquillage blafard et les traits volontairement cassant de son interprète, la talentueuse Meryl Streep. Il y a donc une forme de parti pris qui consiste à éveiller chez le spectateur l’envie de se rebeller contre cette femme. "J’avais envie d’explorer l’idée que le doute est par nature illimité et changeant, qu’il peut se développer et se modifier, alors que la certitude est une impasse." Cela étant, malgré ce présupposé, le réalisateur ne peut s’empêcher de disséminer, ça et là, dans le hors-champ de son intrigue, les indices de la bonté de cette régente, cachée dans les tiroirs de son étouffant cabinet. Une astuce qui permet d’adoucir la rigidité du personnage et de semer modestement, chez le spectateur, le doute concernant les penchants du père Flynn, magistralement interprété par Phillip Seymour Hoffman. Ces monstres du septième art, par ailleurs soutenus par deux discrètes mais magnifiques actrices (Amy Adams et Viola Davis, dans une performance aussi brève que bouleversante), évolue au sein d’une scénographie millimétré (peut-être un peu trop parfois), témoin de la longue expérience théâtrale de John Shanley. Rare aujourd’hui sont les productions cinématographiques qui utilise avec autant d’à-propos les éléments du décor. Doute est une de ces exceptions, et il n’est pas surprenant qu’il fasse repenser au brillant 12 Hommes En Colère, autre long métrage de joute adapté d’une pièce de théâtre. Concernant le sujet, grave et hiératique, les cadrages de style expressionniste allemand, la photographie de Roger Deakins et la liturgie composée par Howard Shore, ils embrassent parfaitement l’horizon étroit de l’enseignement de cet école catholique et de sa monstrueuse chancellerie, baignée d’un écrasant vert empire. On pourrait ainsi croire à un drame glauque, pesant, et donc plutôt repoussant. Paradoxalement, on prend énormément de plaisir à effeuiller les verbes et les feuillets de cette auguste pellicule qui se paie le luxe de se refermer sur une image et une réplique qui resteront longtemps ancrées dans les mémoires. (4.5/5)

Doute 2

Doubt (États-Unis, 2008). Durée : 1h45. Réalisation : John Patrick Shanley. Scénario : John Patrick Shanley. Image : Roger Deakins. Montage : Dylan Tichenor. Musique : Howard Shore. Distribution : Meryl Streep (Sœur Aloysius Beauvier), Philip Seymour Hoffman (Père Brendan Flynn), Amy Adams (Sœur James), Viola Davis (Mme Miller).