Résumé : Dans un futur proche, Theodore Twombly tombe peu à peu amoureux de Samantha, son nouveau système d’exploitation.
Revenu de son périple chez papa Freud et tonton Sendak, le vidéaste branché qui éclaira Bjork en nocturne et fit se déhancher Christopher Walken sur un air d’électro se penche aujourd’hui sur l’avenir de notre monde numérique et des réseaux sociaux, empochant dans la foulée l’oscar du meilleur scénario original. Her plonge son yeux dans ceux de Theodore Thowbly, un bonhomme qui, contrairement à ce que laisse penser sa liste de contact, est un loup solitaire qui se contente d’écrire, avec un certain brio, les épîtres de mari, femme, enfant, amant, ami inconnus, et de dialoguer, comme tous les autres représentant de son espèce, avec son smartphone, replié sur lui-même dans une foule d’individualisme. Une neo-société dont les habitus ne sont pas si éloignés des nôtres. Un tableau qui pourrait faire froid dans le dos si Spike Jonze n’avait pas eu la courtoisie d’attaquer son sujet sous l’angle de la douce mélancolie. De es évolutions technologiques qui écartent les individus les uns des autres, le réalisateur préfère en retenir cette part d’humanité qui se cache derrière ces applications et ces relations épistolaires artificielles, se pencher sur ces hommes et ces femmes qui y mettent un peu de leur affectes. Dans cette logique, la liaison amoureuse que Theodore tisse avec son système d’exploitation, Samantha, permet d’explorer à la fois les contraintes posées par leur nature (donnant lieu à des scènes à la fois drôle et dérangeante) mais aussi de révéler les interrogations du processeur sur son libre arbitre et la spontanéité des sentiments qui pourrait en faire une entité à part entière. Il y a ainsi une douce amertume, une morosité ouatée autour de cette espoir d’humanité que la magnifique photographie de Hoyt Van Hoytema, baignée de contre-jour, et la partition désincarnée du groupe Arcade Fire, portent admirablement sur leurs épaules. Face caméra, les acteurs sont extraordinaires, livrant des interprétations d’une grande justesse. Une fois encore, c’est un vrai bonheur de voir jouer l’excellent Joaquin Phoenix, l’acteur apportant à son personnage une simplicité et une fragilité qui le rend de suite touchant. Mais la surprise vient de Scarlett Johansson. Souvent engagée pour ses formes généreuses, elle occupe ici un rôle à contre pied de ce qu’on lui propose habituellement, suggérant ses voluptueuses courbes par la seule présence de sa voix, chaleureuse et sensuelle. Une performance vocale de haute volée qui en dit long sur l’incroyable direction d’acteur qu’a dû entreprendre le réalisateur afin d’obtenir un tel résultat. Mais, passé la bizarrerie des premiers échanges, l’intrigue reprend lentement des chemins balisés, le long desquels on retrouve les motifs traditionnelles de la romance, prolongée par quelques longueurs qui repoussent de façon parfois artificielle l’arrivée du dénouement final. Une petite faiblesse qui n’empêche pas Her d’être une oeuvre riche et raffinée. (4/5)
Her (États-Unis, 2013). Durée : 2h06. Réalisation : Spike Jonze. Scénario : Spike Jonze. Image : Hoyt Van Hoytema. Montage : Jeff Buchanan, Eric Zumbrunnen. Musique : Arcade Fire. Distribution : Joaquin Phoenix (Theodore Twombly), Scarlett Johansson (voix : Samantha), Amy Adams (Amy), Rooney Mara (Catherine), Chris Pratt (Paul).