Critique : No Country For Old Men (2008)

No Country For Old Men 1

Résumé : Lors d’une partie de chasse, Llewelyn Moss trouve une mallette remplie d’argent, qu’il à tôt fait de s’approprier. Il est alors loin de se douter qu’un tueur à gage sanguinaire est à ses trousses, bien décidé à récupérer le magot.

Succédant à deux comédies très tièdes (Intolérable Cruauté et Ladykillers), No Country For Old Men, douzième long métrage de Joel et Ethan Coen, est sorti à une époque où le nom de Cormac McCarthy n’était pas aussi connu sur notre vieux continent qu’il ne l’est aujourd’hui dans le monde entier. Fraichement récompensé du prix Pulitzer pour La Route (qui donnera lieu, lui aussi, à une adaptation sur grand écran), le romancier voyait, pour la seconde fois après De Si Jolis Chevaux, une de ses œuvres transposer au cinéma. Ainsi de retour sur les plaines du polar, le cinéma des frères Coen reprend ses couleurs d’origine. Les deux frangins n’ont d’ailleurs jamais été aussi bon que lorsqu’ils mélangent le second degré à la sécheresse du thriller, lorsqu’ils tordent les codes pour les faire entrer dans leur monde. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ce No Country For Old Men succède à Fargo dans leur moisson de récompense. On retrouve, dans cette traque, cette obsession du hasard et de la tragédie qui animait déjà leurs précédentes productions. Ce goût de torturer leurs personnages, des vagabonds portés par le courant du destin incarné par ce jeu du pile/face autour duquel se joue le sort des futures victimes d’un ange de la mort. On ressent cette étrange sensation que l’existence, celle également vécue par Jerry Lundegaard et Ulysses Everett, est une science inexacte, une succession de coïncidences sur lesquels ils ont aucune prise. Tout échappe au contrôle de ces êtres qui ne peuvent ainsi que subir, et éventuellement annoncer un hypothétique résultat gravé sur une pièce de monnaie. Les contours exotiques du personnage d’Anton Chigurh, renforcés par ce pistolet d’abattage à air comprimé dont il fait une utilisation singulière, est ainsi un pur produit du cinéma des frères Coen. Un Charon au sein duquel se confronte le poids du destin et la capacité à radiographier le monde pour mieux le prévenir et s’y inscrire. Une icône de la rupture, coincé entre le glorieux passé texan incarné par le shérif Bell et un futur voué à l’échec représenté par un Llewelyn Moss emporté, par sa vanité, dans un acte suicidaire. La vision volontiers apocalyptique de cette humanité rongée par le sang et l’argent appartient en revanche tout entier à Cormac McCarthy (le livre est d’ailleurs beaucoup plus explicite sur ce sujet), un romancier atypique dans le paysage du polar grand public et qui prolongea ses thématiques, l’an passé, en signant le scénario terriblement incompris du dernier Ridley Scott (Cartel). Tout cela est emporté par la maestria technique et dramatique des réalisateurs qui, au coin d’une station essence et dans l’encoignure d’une chambre de motel, compose des faces à faces angoissants, participant à cette escalade vers un suspens étouffant, très bien supporté par l’absence totale de musique. On retrouve ici le souffle, intimiste et romanesque, de Miller’s Crossing et Fargo, à travers ces fulgurants éclats de violence, brûlant comme l’enfer, et ces dialogues, magnifiquement ciselés. No Country For Old Men fait ainsi parti de ces grands films qui ont accompagné la précédente décennie. Un véritable chef d’oeuvre, puissant et hypnotique. (5/5)

No Country For Old Men 2

No Country For Old Men (États-Unis, 2007). Durée : 2h02. Réalisation : Ethan Coen, Joel Coen. Scénario : Ethan Coen, Joel Coen. Image : Roger Deakins. Montage : Ethan Coen, Joel Coen. Musique : Carter Burwell. Distribution : Josh Brolin (Llewelyn Moss), Javier Bardem (Anton Chigurh), Tommy Lee Jones (le shérif Ed Tom Bell), Woody Harrelson (Carson Wells), Kelly Macdonald (Carla Jean Moss).