Avec la sortie de Noé, c’est l’occasion de replonger dans le film qui a confirmé le talent brut et les obsessions maladives de Darren Aronofsky : Requiem for a Dream.
Après avoir été révélé à la critique avec un premier film audacieux et particulièrement noir, Pi, le réalisateur Darren Aronofsky va continuer d’explorer les obsessions de personnages malades. Pour cela, il adapte à l’écran le livre d’Hubert Selby sorti à la fin des années 70, Requiem for a Dream. C’est d’ailleurs une véritable collaboration avec l’auteur puisque celui-ci contribue au scénario. Conservant l’action du film à Brooklyn, ils rendent toutefois le récit intemporel, préférant se concentrer sur les personnages et leur descente aux enfers qui fonctionne aussi bien dans les 70′s qu’à la fin des 90′s.
Requiem for a Dream s’intéresse à quatre personnages qui vont chacun tomber dans des addictions maladives. Cela commence avec Sara Goldfarb, retraitée qui ne peut se passer de sa télévision et qui va s’embarquer dans un régime à base de cachets pour entrer dans sa robe lorsqu’elle s’imagine gagner un concours qui lui permettra de passer à la télévision. Son fils, Harry, vit quand à lui d’héroïne avec sa petite amie Marianne et son pote Tyron et ils rêvent d’une vie meilleure grâce à la vente de drogue qu’ils ne peuvent toutefois pas s’empêcher de consommer.
La descente aux enfers de ces personnages qui veulent bien faire mais se retrouvent dans la spirale infernale de leur addiction est filmée par Darren Aronofsky comme un long trip où rien ne semble réel et où le malaise devient de plus en plus palpable. Avec la ritournelle lancinante de Clint Mansell qui n’en fini pas de tourner jusqu’à ce qu’on arrive au fond du gouffre, il utilise à volonté la vue en hauteur, la caméra collée au plus près des acteurs, les décors et éclairages sombres et crades pour montrer le monde en décomposition dans lequel les personnages plongent et où la seule image ensoleillée (Jennifer Connelly au bout du ponton) sera inatteignable.
En plus du mauvais trip qui mettra à mal le moral du spectateur avec des images particulièrement crues sur la dépendance aux drogues, à la télévision et l’enfer psychologique que cela peut entrainer (en ce sans, le film est sans complaisance), Requiem for a Dream est aussi une dramatique chronique familiale. On peut en effet trouver que le fils est victime du même mal que sa mère et qu’il contamine alors son entourage … comme si la drogue était un fléau héréditaire, un virus qui ne peut s’arrêter et qui contamine tout sur son passage et auquel on ne peut échapper. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si le pire des sorts est réservé à la mère puis au fils et l’on pourrait alors presque se croire dans la Comédie Humaine de Balzac.
Darren Aronofsky filme aussi l’épuisement et l’usure des corps. En ce sens, les performances des acteurs sont bien à saluer, d’Helen Burstyn (récompensée dans de nombreux festivals et nommée aux Oscars et Golden Globes pour ce rôle) à Jared Leto en passant par Jennifer Connelly ou Marlon Wayans, ils se donnent tous entièrement à leurs rôles maudits alors qu’ils cherchent tous un moyen de s’en sortir … mais l’enfer est pavé de bonnes intentions et surtout d’obsessions chez Aronofsky.
Évidemment, on peut toujours trouver que le film en fait trop pour montrer les méfaits de la drogue avec un fatalisme décourageant, mais le choc émotionnel, le malaise ressenti devant le film n’aurait sans doute jamais été le même. Ici, le réalisateur ne cherche pas faire aimer son film où à dédramatiser le sujet (comme pouvait le faire Trainspotting) mais bien à provoquer un sentiment de rejet tout en nous faisant bien comprendre se que vivent les personnages. Et il y réussit fort bien puisqu’il sera toujours difficile de (re)voir le film. Mais il instaure aussi tous les thèmes que l’on retrouvera ensuite dans ses autres films : l’obsession, la recherche de la rédemption et de la vie par l’usure du corps, la proximité de la mort …
A sa sortie, comme attendu, le film choque le public et est salué par la critique, faisant de Darren Aronosfky un auteur sans concessions, perfectionniste, à suivre de près. Et il faudra attendre 6 ans après maintes péripéties avant de pouvoir son film suivant (son meilleur à ce jour), the Fountain.