"Russell Crowe est Noé, un homme promis à un destin exceptionnel alors qu’un déluge apocalyptique va détruire le monde. La fin du monde… n’est que le commencement."
Un film qui fait l’unanimité cache toujours une part d’ombre et des petits détails que l’on essaye de dissimuler derrière des points positifs qui ne peuvent être contredits grâce au spectacle magique proposé aux spectateurs. Au cinéma, on aime être touché par une histoire, on aime que cette histoire nous provoque des émotions et on aime que cette histoire nous soit conté par des techniciens de l’image et des acteurs qui se donnent corps et âme dans leurs rôles respectifs pour le bien du film. Le cinéma est là pour provoquer des émotions, pour offrir du spectacle et il est aussi là pour nous interroger. Librement adapté des chapitres 6, 7 et 8 de la Genèse de l’Ancien Testament, Noé conte aux spectateurs l’histoire de celui qui fût porteur d’une lourde tâche : construire une arche pour sauver les animaux du déluge provoqué par le créateur. Il est marrant de voir qu’avec un si petit synopsis, Darren Aronofsky réussit à offrir à ce film une ampleur surprenante au point d’intriguer et de passionner ceux qui réussiront à passé outre les thèmes qui fâchent comme celui de la religion. S’inscrivant pleinement dans la continuité de la filmographie de Darren Aronofsky qui nous enchante de plus en plus grâce à des films majestueux, traitant de thèmes radicaux, pouvant affecter et interloqué n’importe quelle personne provenant de n’importe quelle classe sociale, Noé revient en grande partie sur un thème qui est cher à Aronofsky, celui de l’immortalité.
Alors que The Fountain traitait d’un amour intemporel et/ou les personnages n’étaient autres que des pantins articulés par un amour qui se transmettait de génération en génération, Noé prend le risque de nous parler de l’immortalité à travers la religion dans un premier temps et la métaphysique dans un second. Personnage provenant du livre de la genèse, Noé est un descendant direct de Adam, premier homme conçu par le créateur, à son image, neuf générations auparavant. Souhaitant nous raconté, qui est Noé, et quelle est son histoire "familiale", avant même de nous le présenter, Aronofsky conte par le biais de quelques tirades et de quelques images, le début de tout et plus particulièrement, le début de l’espèce humaine. Il suffit de deux images pour résumer le film. Il suffit de deux images pour faire comprendre aux spectateurs que le thème principal de ce film n’est pas la religion et la croyance en dieu – thème qui est bien présent, mais relégué au second plan -, mais bien l’homme. Là où Black Swan faisait comprendre au spectateur que le cygne blanc n’est autre que le cygne noir et que la pureté cachait sa part d’obscurité, tout en se voilant la face pour paraître sage et bienveillant aux yeux de tous, Noé prend aux tripes et décide de mettre en exergue la partie sombre de chaque être humain. Sans y aller par quatre chemins, Darren Aronofsky nous présente dès la première scène des hommes qui aiment la viande, doivent se nourrir de viande et boire du sang pour être plus fort, pour dominer. Montant crescendo en puissance, le récit livré par le film est déroutant comme fascinant. Déroutant par la façon dont nous est présenté l’être humain, mais surtout fascinant, car nous possédons tous notre propre vision de l’homme qu’il soit moderne ou non.
Utilisant à merveille la locution "l’homme est un loup pour l’homme", c’est à la fois par sa violence physique – qui aurait peut-être nécessité d’être encore plus présente – et par sa violence narrative – personnages extrêmement bien écrits et aux interrogations universelles – , que le film réussi à interroger le spectateur et à le mettre face à quelque chose qui n’est pas nouveau, mais qui n’a jamais été autant d’actualité, la violence de l’homme envers lui-même. Si l’on doit retourner l’histoire de la création, nous nous rendons compte que le film n’est pas une ode à la religion – les croyances et visions envoyées par le créateur à Noé vont le remettre en question et le pousser à devenir celui qu’il pensait ne pas être – , mais c’est bien un questionnement sur la religion en elle-même. Descendant de du premier homme qui a osé franchir les barrières et aller goûter au fruit défendu alors qu’il lui était interdit de le faire. Adam était l’image du créateur, l’image d’un homme comme les autres, un homme qui a ses qualités et qui a aussi ses défauts et sa part d’ombre. Perfide, avare, caractériel, violent et j’en passe, l’homme possède nombreux défauts et il ne faut pas se voiler la face, chaque individu possède en lui ces défauts. Que l’on parle d’un soi-disant créateur ou bien de n’importe quel homme vivant sur cette terre, on en vient à la même conclusion et c’est en cela que le récit de ce film est intelligent, car fait rebondir ce questionnement sur chacun d’entre nous.
En plus d’être un film au propos intelligent et à la narration maitrisé de bout en bout, Noé peut se vanter d’être un véritable blockbuster. N’ayant pas à frémir devant les blockbusters modernes ayant pour obsession de mettre en avant des scènes d’actions, Noé dispose de scènes d’actions épiques et spectaculaires, malgré des effets spéciaux par moment limité concernant la représentation des animaux qui sont uniquement présent pour leur symbolique. Alliant avec justesse son contexte biblique a une action lorgnant vers l’héroïque-fantasy, Aronofsky joue avec le côté surréalisme de l’histoire de son personnage principal pour y implanter des personnages secondaires fantaisistes, mais pas dépourvus de sens (les veilleurs, anges déchus, qui ont failli à leur tâche première entre autres). Blockbuster atypique, ce Noé surprend et satisfait, car malgré quelques problèmes dans sa réalisation qui sont fréquents chez le réalisateur – plans serrés omniprésents, environnements en partie délaissés… -, il en reste un film épique, au scénario intelligent et provocant un questionnement immédiat chez le spectateur vis-à-vis de la religion, mais surtout de l’être humain en règle général. Le tout servi par une ambiance apocalyptique à souhait, au montage impeccable et à la bande sonore dantesque, qui donne des frissons et offre une tout autre ampleur à chaque scène de ce film. Noé en désarçonnera plus d’un, mais c’est sa force, celle des grands films.