Culte du dimanche : the Fall

Par Fredp @FredMyscreens

Ce dimanche, retour sur l’une des plus belles expériences visuelles des années 2000 avec le sublime The Fall.

Primé pour le clip de REM Losing my Religion et réalisateur de publicité (dont le célèbre match de foot contre des démons pour Nike avec Eric Cantona), Tarsem Singh a développé un sens de l’image et de l’iconographie particulièrement poussé qu’il mettra à profit dans son premier film, the Cell. Dans ce film, Jennifer Lopez pénétrait littéralement dans l’esprit d’un serial killer autorisant alors au réalisateur une grande exubérance visuelle macabre et impressionnante s’inspirant souvent des plus glauques des œuvres d’art. Le résultat était visuellement bluffant et même si le succès n’était pas forcément au rendez-vous, on pouvait bien imaginer que le réalisateur pouvait nous offrir plus tard d’autres expériences de cinéma du même acabit. Il jette alors son dévolus sur le scénario d’un film bulgare des années 80 pour l’adapter à sa manière avec un tournage dans les plus beaux endroits du monde qui dura 4 ans.

Dans the Fall, nous plongeons dans les années 1920 et  nous intéressons à un cascadeur de cinéma blessé se retrouvant à l’hôpital et se liant d’amitié avec une gamine qui y fait également un séjour après s’être cassé le bras. Leur amitié prendra véritablement forme dans l’histoire fantastique que le cascadeur va lui raconter et dans laquelle elle s’immergera complètement au point que le récit s’imbriquera d’une certaine manière dans la réalité.

En effet, plus le récit d’aventure exotique avance, plus nous prenons conscience que celui-ci s’inspire énormément de ce qu’a vécu le cascadeur avant d’arriver à l’hôpital : une relation amoureuse qui a mal tourné, une trahison importante … l’amenant à des envies de mettre fin à ses jours. Le rôle de la jeune fille sera donc primordial pour le sauver, à la fois dans l’histoire et dans la vie.
Mais en plus de cette vision déformée de la réalité et du pouvoir des histoires et légendes, the Fall est également un hommage aux débuts du cinéma, à la magie de ces images qui sont alors une nouvelle manière de raconter des histoires. Le choix d’un cascadeur des débuts du cinéma et les images de fin montrant ce plaisir enfantin ne trompent pas sur la volonté qu’a le réalisateur de montrer la puissance du récit à travers les mots ou les images.

Mais au delà de son discours parfois simpliste et de son histoire dans l’histoire qui peut parfois pêcher par manque de rythme, the Fall est avant tout une véritable expérience visuelle, une symphonie d’images ! En effet, le réalisateur mélange de nombreuses influences dans les personnalités de ses héros, dans les lieux magnifiques qui sont parcourus (l’Inde y est forcément beaucoup représentée), les costumes, … Ne recourant que rarement aux effets visuels, ici tout est dans l’usage de la photographie avec des plans magistraux qui rendent justice aux paysages et décors, reflétant l’immensité onirique du désert ou la poésie de certaines morts. Autant inspiré par l’art étrange d’un Dali que par les documentaires de Ron Fricke, Tarsem Singh développe un univers visuel particulièrement marquant en y apportant une émotion et un sens du récit et de l’iconographie de ces personnages qui lui est propre.

Il n’était alors pas étonnant que David Fincher et Spike Jonze se soient portés producteur de ce film atypique mais ô combien sublime et envoutant. Hélas, le film sortira de manière confidentielle (directement en vidéo en France) sans donner à Lee Pace l’occasion de se faire connaitre auprès du grand public ou au réalisateur de développer d’autres projets aussi personnels. Seuls des projets de commande comme les Immortels ou Blanche-Neige seront confiés à Tarsem Singh et si il arrivera à y apporter sa patte dans certains costumes ou dans quelques images, ils ne sont certainement pas à la hauteur de ce qu’il a déployé sur the Fall.