Critique : Révélations (2000)

Révélations 1

Résumé : Pour les besoins d’un reportage sur les incendies provoqués par la cigarette, le journaliste et producteur Lowell Bergman se rapproche de Jeffrey Wigand, responsable de la recherche et développement chez Brown & Williamson qui vient tout juste d’être remercié par ses employeurs. Au fil de leur collaboration, ce dernier va lui dévoiler les méfaits perpétrés par l’industrie du tabac.

Auréolé du succès critique et public remporté par Heat, Michael Mann adapte la carrière médiatique de Jeffrey Wigand, ancien chimiste et vice-président de la recherche et développement chez Brown et Williamson qui fut amené à témoigner publiquement, face caméra, contre son ancien employeur sur les dérives de l’industrie du tabac dont il a été témoin. Il avait matière à produire une formule académique en soulignant l’acte de bravoure de l’homme, et en insistant sur le bouleversement juridique qu’a entrainé ce témoignage. Mais pour Mann, plus que le caractère strictement biographique de ce projet, ce qui lui semble autrement plus intéressant d’aborder ici, c’est l’intégrité des personnages qu’il met en scène. Celle de Jeffrey Wigand d’abord, tiraillé entre ses engagements juridiques auprès de son ancien employeur et ses valeurs scientifiques. Puis celle de Lowell Bergman, producteur d’un magazine d’investigation qui doit se battre contre ses homologues journalistes afin de ne pas censurer l’entrevue vidéo de son témoin d’exception. Plus que cette lutte contre les grandes corporations économiques qui dirige la société américaine, c’est cette fidélités suicidaires à leurs principes de vie que se propose de porter ce magnifique long-métrage. Le propos tenu par le cinéaste et son co-scénariste, Eric Roth, dépasse ainsi les simples "révélations" énoncé par la traduction française du titre pour illustrer un combat infiniment plus intime et beaucoup plus universel : celui de l’éthique et de la morale de personnes "ordinaires soumis à une pression extraordinaires. Cette tourbière, médiatique et intime, dans laquelle s’enfonce les personnages créé un climat terriblement anxiogène qui doit tout à la mise en scène de Michael Mann. Ce peintre de la pellicule n’a pas son pareil pour brosser des affaires d’hommes, pour nous faire partager les errances de ces personnages, et pour questionner la philosophie et le regard du spectateur sans sombrer dans des considérations trop nébuleuses ou hors de propos. Tout à un sens chez cet artiste. Rien n’est laissé au hasard dans son cadre, ses images. Ces réflexions sur le déterminisme, le dégrée d’aliénation de l’homme à sa condition, et le poids de l’environnement que le réalisateur dissémine dans ses travaux sont toujours portés par une somptueuse direction des décors et de la lumière. Si tous ses films sont des bijoux de technicité, Révélations est sans nul doute son métrage le plus maitrisés et le plus aboutit dans ce domaine. Par cette maitrise, Mann parvient ainsi, même au cours de simple dialogue, à instaurer une tension visuelle absolument renversante. Seul un brillant technicien peut jouer de cette manière avec les codes du cinéma. Mais au-delà cette virtuosité esthétique, il tient également de souligner l’importance du casting, autre invariable dans la réussite de ce film. La performance à fleur de peau de Russell Crowe est grandiose. Il occupe là le plus beau rôle de sa carrière d’acteur, imprimant sur son visage le vertige vécu par son personnage. À ses côtés, Al Pacino, monstrueux, comme a son habitude, dévore littéralement l’écran. Un tandem qui fonctionne du feu de dieu, soutenu par une foule de seconds rôles de qualités (performance fugitive mais néanmoins exceptionnelle de Bruce McGill), apportant ainsi un peu plus d’intensité à ce qui demeure, encore aujourd’hui, sa plus belle réalisation. (5/5)

Révélations 2

The Insider (États-Unis, 1999). Durée : 2h38. Réalisateur : Michael Mann. Scénario : Michael Mann, Eric Roth. Image : Dante Spinotti. Montage : William Goldenberg, David Rosenbloom, Paul Rubell. Musique : Pieter Bourke, Lisa Gerrard. Distribution : Russell Crowe (Jeffrey Wigand), Al Pacino (Lowell Bergman), Christopher Plummer (Mike Wallace), Diane Venora (Liane Wigand), Philip Baker Hall (Don Hewitt), Colm Feore (Richard Scruggs), Bruce McGill (Ron Motley).