- Waouh, Scaramouche. Regarde : African Safari 3D ! Voilà un film pour toi, avec des lions, des léopards, des guépards, tout ça…
- Waouh, Boustoune ! C’est génial ! Une traversée de l’Afrique d’ouest en est, de la Namibie jusqu’au Kilimandjaro, à la découverte de la faune sauvage et des grands espace, le tout filmé avec une caméra HD 3D dernier cri, voilà la promesse d’un formidable documentaire.
- Waouh, et puis la production a mis des moyens techniques conséquents. Outre une jeep équipée de caméras, ils ont utilisé une montgolfière spéciale, capable de prendre des vues aériennes sublime. C’est super !
- Waouh ! Alors, tu vas le voir et tu nous dis si ça vaut vraiment le coup, hein ?
- Waouh, bien sûr !
(quelques heures plus tard…)
Waouh, les humains,
J’ai vu African Safari 3D et je n’ai qu’une chose à dire : waouh !
Pas « waouh, c’est bien », mais plutôt « waouh ! Un tel degré de crétinerie, ça fait peur ! ».
Non mais comment est-ce possible de foirer un documentaire animalier avec autant de moyens techniques et un tel casting (je parle des animaux, là, hein) ?!?
C’est bien gentil de multiplier les caméras et les supports, mais encore faut-il se rappeler leur fonction, qui est de filmer la faune africaine au plus près. Oh, il y a bien quelques prises de vue saisissantes, comme cette trompe d’éléphant qui, d’un coup, traverse l’écran à la rencontre du public, ou ce lion filmé de tellement près qu’on lui voit les coucougnettes. Et l’équipe technique parvient à filmer des animaux difficiles à approcher, comme ces rhinocéros noirs, qui hélas apparaissent blancs à l’écran, à cause du mode vision nocturne de la caméra.
Mais l’essentiel des plans montrent surtout les occupants de la jeep ou de la montgolfière, Kevin et Mara, les deux narrateurs, soit-disant experts en animaux africains.
Il est vrai que le spectacle de ces deux beaux spécimens d’humanoïdes est assez fascinant. Ces duettistes présentent en effet la particularité de parler tout le temps, commentant inutilement l’action, et de s’extasier pour tout et n’importe quoi :
«- Oh mon Dieu, Kevin, je suis toute excitée à l’idée de rencontrer un troupeau de gnous ! (sic)
- Waouh Mara, regarde comme cet éléphant a une grande trompe ! (sic)»
« Waouh », ça doit être le mot qui revient le plus souvent au cours du film. Dès que ces Ken et Barbie de la brousse, censés être des experts connaissant par cœur les mœurs des animaux sauvages, croisent des antilopes, des léopards ou des hippopotames, ils waoutent comme des néophytes, subjugués par ce majestueux spectacle de la nature dont ils ne nous donnent qu’un aperçu extrêmement succinct et donc frustrant.
A leur décharge, ce n’est pas simple de filmer des bestiaux qui fuient dès que vous approchez d’eux (les animaux ont beau être sauvages, ils ne sont pas stupides au point d’aller copiner avec ces deux crétins) ou qui chargent les importuns (on se surprend à désirer ardemment que Kevin se fasse bouffer par un guépard et que Mara trépasse à son tour, piétinée par un éléphant).
C’est ce qui donne la scène la plus bidonnante du film : Kevin et Mara décident de camper en pleine brousse, juste à côté du repaire d’une tribu de lions. Très taquins et très joueurs, mes cousins félins décident de faire peur aux deux experts en chahutant leurs tentes.
Hilarant spectacle de Mara, effarouchée par le rugissement des grands fauves, et surtout de Kevin, l’homme qui a été élevé parmi les lions, le spécialiste des grands chats africains, qui, après avoir fait dans son froc face à la menace (« Au secours, Mara, ils essaient de rentrer dans ma tente ! »), ne trouve rien mieux à dire pour chasser les intrus, qu’un timide « Pschitt, dégagez ! ». Sûr que les lions ont dû bien se poiler de leur plaisanterie experte…
Nous, on rigole de plus belle en voyant Kevin, profitant d’une accalmie, courir se réfugier dans la tente de Mara, et en imaginant les dialogues qui nous sont heureusement épargnés « Waouh Kevin, quelle trompe énorme ! Waouh Mara, quelle crinière de feu ! »…
Evidemment, on ne verra pas tout ça, car le film s’adresse quand même aux enfants. Toutes les scènes « cochonnes » (phacochères ?) ont été coupées au montage. Et elles existent forcément, puisqu’à un moment, Kevin dit à Mara « Waouh Mara, un couple de léopards, attendons un peu. Avec un peu de chance, ils vont s’accoupler… ». Mais rien, peau de zob de zébu, rien pour épancher la soif d’érotisme des spectateurs adultes.
Un porno animalier en 3D avec de félins tachetés, ça m’aurait pourtant plus excité que les gnous de Mara (séquence émotion) et les genoux de Kevin, écorchés par les buissons d’épineux après le crash du dirigeable (séquence frisson).
Mais non, le film alterne les waouteries (les waoutages ?) de Kevin et Mara qui s’esbaudissent devant un coucher de soleil, une hyène tachetée ou une carcasse d’antilope, les plans montrant les passagers de la jeep ou du dirigeable plutôt que les paysages ou les animaux, et les leçons de morale sur la nécessaire préservation de cet environnement naturel, menacé par l’expansion urbaine africaine et les braconniers.
SI vous vouliez voir le documentaire ultime sur la faune africaine, c’est raté. Hormis une ou deux séquences en relief amusantes, African Safari 3D ne présente aucune originalité. On n’est pas au niveau d’un Disney Nature ou même d’un bon reportage National Geographic à la télé.
La seule chose qu’on peut se mettre sous le croc, ce sont les débordements verbaux de Kevin et Mara, dont le ridicule est amplifié par une version française calamiteuse (mention spéciale au doublage des africains, affublés d’un accent tout droit sorti d’un vieux sketch de Michel Leeb).
Non, vraiment, à moins d’aborder le film de Ben Stassen au second degré, ce safari n’a rien d’une partie de plaisir. A la rigueur, si vos marmots n’ont jamais vu de documentaire animalier de leur courte existence, ils feront peut-être « waouh » devant cette œuvre-là.
Maintenant, le Zoo de Vincennes vient de rouvrir ses portes. Et il existe bon nombre de parcs zoologiques en France où, pour un prix à peine plus élevé qu’un ticket de cinéma, il vous sera possible de voir les animaux en vrai. Je dis ça, je ne dis rien…
Plein de waouh,
Scaramouche
(Merci à Bruno Cras, qui, de par sa critique pleine d’humour, nous a donné envie de découvrir le film et nous a inspiré ce texte. Waouh, Bruno, tu es formidable !)
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African Safari 3D
African Safari 3D
Réalisateur : Ben Stassen
Avec : Kevin Richardson, Mara Douglas-Hamilton, Dany Cleyet-Marrel
Origine : Belgique
Genre : waouh
Durée : 1h26
Date de sortie France : 16/04/2014
Note pour ce film :●○○○○○
Contrepoint critique : 20 minutes
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