Ambiance « film noir» dans le culte du dimanche avec l’une des plus belles réussites de Roman Polanski : Chinatown
Après le grand succès de Rosemary’s Baby, Roman Polanski entre dans une période de crise à la fois personnelle (sa femme Sharon Tate a été assassinée par « la famille» de Charles Manson» ) et ses films suivants sont des échecs au box office. Il ne lui reste alors plus d’autre choix que de réaliser un projet de commande pour se remettre en selle. Ce projet, c’est Jack Nicholson qui le lui apporte avec le scénario de Chinatown écrit par Robert Towne. D’abord réticent à l’idée de venir tourner à Los Angeles où sa femme a disparu, il va tout de même accepter l’offre et faire de ce film il œuvre plus personnelle.
Chinatown plonge ainsi dans le L.A. des années 30 en pleine sécheresse où le détective privé Jake Gittes enquête sur un ingénieur des eaux que sa femme soupçonne d’adultère. Mais rapidement cet homme sera retrouvé mort et celle qui disait être sa femme ne l’était pas. Il va alors plonger dans une affaire bien plus complexe que prévu, mêlant histoires de familles et lutte pour le pouvoir économique et politique de la ville.
Avec un rythme qui prend son temps, Polanski développe petit à petit une atmosphère mystérieuse autour de cette intrigue de manipulation des eaux des Los Angeles. Il rend ainsi hommage au film noir autant qu’il s’imprègne de ses codes pour le mettre à la sauce du cinéma des 70. Ainsi on retrouve la femme fatale et veuve, le détective intègre, quelques mafieux menaçant et le complot qui règne avec son lot de personnages pouvant jouer double jeu. Avec une mise en scène posée, sans fioritures, le réalisateur nous laisse nous immerger et nous interroger sur cette intrigue tortueuse.
Mais au delà de l’intrigue, ce sont surtout les personnages qui vont nous passionner. D’un côté nous avons donc Jake Gittes campé par un Jack Nicholson plus en retenue que sur les rôles pour lesquels on le connait. Ici il porte son personnage de détective avec une certaine désinvolture qui se démarque légèrement du genre tout en lui apportant une aspérité. Ici, son passé à Chinatown n’est qu’évoqué et va nous interroger pendant tout le film. En face, Faye Dunaway est-elle aussi remplie de mystère et sa plastique étrange ne fait que l’accentuer à mesure que les révélations arrivent. La relation entre ces deux personnages est particulièrement bien écrite et prend de l’ampleur sans être profondément romantique, juste sèche et parfois injuste comme peut l’être l’affaire dans laquelle ils sont impliqués.
A côté du couple principal dont le destin ne sera finalement pas des plus heureux (Chinatown est un film noir jusqu’au bout, il ne faut donc pas s’attendre à un happy-end classique, surtout chez le Polanski de l’époque), il y a aussi quelques personnages secondaires hauts en couleurs dont le réalisateur John Huston qui campe ici le dangereux et imprévisible père de Faye Dunaway, manipulateur de première classe, mais aussi Polanski lui-même qui s’octroie le « plaisir» de couper le nez de Jack Nicholson dans une petite scène qui a marqué les esprits.
Bref, Chinatown est l’un des polars à l’ancienne les plus appréciés du cinéma américain qui obtiendra d’ailleurs 11 nominations aux Oscars (l’Académie lui préfèrera la suite du Parrain) mais aussi 3 Golden Globes (réalisateur, acteur et scénario). Encore aujourd’hui, Chinatown est sans doute l’un des films de Roman Polanski les plus appréciés des critiques et chacun de ses retours au genre y fait irrémédiablement penser (à l’instar de the Ghost Writer). Comme le dit la dernière réplique du film, « laisse tomber Jack, c’est Chinatown» .