En matière d’écologie, il y a les sympathisants de base, ceux qui pratiquent le tri sélectif et achètent leurs légumes BIO sur le marché, les activistes un peu plus enragés, qui arrachent les plants d’OGM et caillassent les fastfoods synonymes de malbouffe, et puis les activistes radicaux, qui vont encore plus loin pour défendre leurs verts idéaux.
C’est sur cette dernière catégorie de militants que s’attarde le nouveau film de Kelly Reichardt, Night moves.
Elle décrit en effet l’organisation et l’exécution d’un attentat par un trio d’activistes écologistes radicaux : Josh (Jesse Eisenberg), Dena (Dakota Fanning) et Harmon (Peter Sarsgaard). Leur cible ? Un barrage électrique, symbole, selon eux, de la puissance industrielle destructrice des ressources naturelles. L’idée est de le faire sauter, purement et simplement, pour marquer durablement les consciences et mettre en avant les idéaux écologistes à la une des média.
Le film les suit dans leur préparation de l’attentat, de la création de faux papiers à l’achat de l’engrais chimique destiné à fabriquer une bombe artisanale. Puis la caméra filme leur passage à l’acte – les fameux “mouvements nocturnes” du trio en route vers la base du barrage, pour y placer les explosifs.
En fait, il ne se passe presque rien. Beaucoup de silences, de temps d’attente, de gestes mécaniques, entièrement planifiés. Ennuyeux? Un peu, il faut bien l’avouer. Mais la cinéaste réussit à créer le suspense avec le peu de matière dont elle dispose, un exercice de style à la mode chez les cinéastes Art & Essai ces derniers temps… La tension monte donc lentement, très lentement.
Difficile, cependant, de tenir tout le film sur ce seul suspense. Alors, dans son dernier tiers, Kelly Reichardt oriente son récit vers une variation sur le thème classique de “crime & châtiment”. Elle montre la dérive psychologiques des personnages, rongés par la culpabilité et le remords ou rendus paranoïaques par la perspective d’être arrêtés. Le problème, c’est que le récit prend de ce fait un tour plus conventionnel, assez prévisible, et que le rythme, toujours aussi lancinant, ne passe plus du tout. Le film n’est plus contemplatif ou hypnotique, comme il pouvait l’être dans les deux premières parties. mais juste ennuyeux.
Ce final dessert finalement le film, en brouillant le propos de la cinéaste. Quel est le vrai sujet du film? L’écologie et la nécessité de préserver la planète? La confrontation entre la morale et les idéaux politiques? La métaphore d’une civilisation qui prend l’eau? Ou juste le portrait d’un psychopathe en herbe?
Les trois précédents films de la cinéaste, Old Joy, Wendy & Lucy et La Dernière piste étaient portés par des considérations humanistes et sociales plus lisibles. Et aussi par des personnages attachants, auxquels il était plus simple de s’accrocher. Les trois personnages de Night Moves, mutiques et taciturnes, ne sont à aucun moment sympathiques. Leur combat idéologique nous semble vain et absurde, alors qu’on devine que la cinéaste est elle-même une écologiste convaincue et une artiste engagée. Et le pessimisme profond de cette fable nous tient aussi à distance.
Cela explique peut-être le sentiment de déception qui nous étreint à la vue de Night moves. Il s’agit d’un cinéma d’auteur indépendant tout à fait correct, qui a d’ailleurs conquis le jury du dernier festival de Deauville, mais notre enthousiasme n’est hélas pas à la hauteur des attentes placées en Kelly Reichardt. On sait que la cinéaste est capable de beaucoup mieux que ce thriller politique indolent et déprimant…
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Night moves
Réalisatrice : Kelly Reichardt
Avec : Jesse Eisenberg, Dakota Fanning, Peter Sarsgaard, Alia Shawkat, Kai Lennox
Origine : Etats-Unis
Genre : crime et châtiment BIO
Durée : 1h47
Date de sortie France : 23/04/2014
Note pour ce film :●●●●○○
Contrepoint critique : A voir à lire
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