(présenté dans la section “Un Certain Regard”)
On ne tarde pas à comprendre les raisons de ce comportement autodestructeur : La jeune femme entretient une relation incestueuse avec son père. Une relation complètement dévastatrice, car l’homme a une forte emprise sur elle et éprouve un plaisir sadique à la tourmenter. Il lui assène des remarques désobligeantes sur son poids (d’où les vomissements), lui affiche souverainement son mépris quand elle cherche des marques d’affection et la bat dès qu’elle tente de s’affirmer ou d’exprimer sa détresse.
Mais elle ne peut pas se révolter complètement parce qu’elle est amoureuse de son bourreau. Sans doute a-t-elle été pervertie assez tôt pour considérer comme normaux les liens qui l’unissent à son père…
Keren Yedaya, caméra d’or en 2004 pour Mon trésor, filme de manière frontale cette relation monstrueuse, contre nature, suffisamment près pour montrer toute l’abomination de la situation, mais à bonne distance, pour ne jamais verser dans le voyeurisme ou le pathos.
Elle s’appuie sur la mise en scène très froide, très sèche, qui a fait sa réputation, des cadrages d’une extrême précision et une direction d’acteurs impeccable. La jeune Maayan Turgeman est poignante dans la peau de cette jeune femme en grande détresse, aux repères moraux chamboulés, tandis que Grad Tzahi fait froid dans le dos en figure paternelle perverse et brutale.
Il ne s’agit pas d’un film “aimable”. Le sujet et son traitement sans concessions mettront probablement plus d’un spectateur mal à l’aise, comme Mon trésor en son temps… Mais ce genre de choses existent, et c’est l’un des rôles du cinéma de les exposer, pour faire réagir les spectateurs, provoquer le débat ou l’indignation. Loin de mon père ne laissera personne indifférent. Qu’on aime ou non le cinéma de Keren Yedaya, on ne peut que s’incliner devant sa détermination à aborder les problèmes de société les plus sensibles, sans tabous, et sa capacité à susciter le débat à chaque nouvelle réalisation.