Critique : Godzilla (2014)

Par Nicolas Szafranski @PoingCritique

Résumé : Ford et Joseph Brody découvrent que l’accident survenu, quinze ans plus tôt, dans la ville de Janjira à en réalité été causé par un monstre qui vivait sous la central nucléaire.

Nanti d’une campagne marketing monstrueuse, le retour de Godzilla sur nos écrans se faisait attendre de pied ferme par tous les fans de kaiju-eiga. Ce dinosaure théropode japonais génétiquement modifié créé par la Toho dans les années 50, qui fit trembler un pays en pleine reconstruction politique et frémir le café de Jean Reno, refait donc aujourd’hui surface devant la caméra de Gareth Edwards, un jeune réalisateur britannique dont le seul fait d’arme se présente sous la forme d’un Monsters, un trip fantastique produit à l’écart des grands studios. Aussi prometteur que pu être ce premier essai, rares sont les cinéastes qui parviennent à passer le cap d’une production à gros budget, souvent dévorés par un système se refusant toutes prises de risques. Afin de ne pas tuer dans l’oeuf cet immanquable rendez-vous, Edwards prit le temps de ne pas se laisser dépasser par les évènements extérieurs, étudiant son bébé sous toutes les coutures jusqu’à obtenir le meilleur métrage possible. Ainsi, la force de ce titan réside dans l’ampleur créé par sa seule mise en scène. Pendant près de 120 minutes, supporté par l"imposante bande-son dirigée par Alexandre Desplat, le réalisateur compose son propre Jurassic Park, illustre son appétit pour le voyage, les créatures et leurs sauvageries en une poignée de scènes clés (l’arrivée en hélico au Philippines, le réveil stroboscopique du MUTO), fait sien de l’imagerie associé au père et s’approprie le code génétique du montage/image cher aux oeuvres de Steven Spielberg pour, au final, en faire un spectacle de son et de lumière grandiose. Mais sous ce dojo d’immeubles éventrés, de métal froissé et de corps brisés, c’est son amour pour le divertissement et pour sa star reptilienne qu’il tente de nous faire partager. En ce sens, le célèbre reptile jouit d’un traitement assez exceptionnel, retardant son apparition par des astuces de cadrage et de découpage vieille comme le monde mais que beaucoup de metteurs en scène contemporains semblent avoir oublié l’existence. Le corps diffracté de la bête permet ainsi d’entretenir un suspens autour de ses mensurations, témoignant par la même de l’incapacité de Gareth Edwards à saisir la pleine mesure de cette légende, tout en nous replaçant, nous même, à la hauteur de l’Homme, parfois ramené à l’impuissance des médias. Sauveur ou monstre, erreur de la nature ou pièce maitresse de l’équilibre de notre écosystème, Godzilla navigue entre ses eaux mais penche véritablement pour la thèse la moins évidente pour le public américain et les spectateurs biberonnés au Pacific Rim. Techniquement achevé, visuellement époustouflant, musicalement impressionnant, l’armure d’écailles de cet effrayant spectacle se fendille lorsque sont creusés les tranchées dramatiques. Des personnages plutôt bien troussés sur le papier, hérissés de suffisamment d’ailerons psychologiques pour nous les rendre attachants, mais qui ne bénéficient malheureusement pas toujours de la meilleure des interprétations. Ainsi, Elizabeth Olsen, pourtant convaincante, peine à imposer son personnage, alors que Ken Watanabe, porte étendard du règne mythologique du monstre sur l’inconscient japonais, se lézarde en s’offrant une performance médusée. On retiendra alors de cette courte exhibition la touchante prestation de Brian Cranston, et celle, plus renfrognée, d’un Aaron Johnson plutôt à l’aise dans son cuir noir. Une légère amertume qui ne couvre en rien la magnificence d’un divertissement solide comme un kaiju. (4/5)

Godzilla (États-Unis, 2014). Durée : 2h02. Réalisation : Gareth Edwards. Scénario : Max Borenstein, Dave Callaham. Image : Seamus McGarvey. Montage : Bob Ducsay. Musique : Alexandre Desplat. Distribution : Aaron Johnson (Ford Brody), Ken Watanabe (le docteur Ichiro Serisawa), Elizabeth Olsen (Elle Brody), Brian Cranston (Joseph Brody), David Strathairn (l’amiral William Stenz), Sally Hawkins (le docteur Wates), Juliette Binoche (Sandra Brody).